La liste de mes envies...

dimanche 11 décembre 2016
par  Christian LEJOSNE
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On a tous, un jour ou l’autre de notre existence, eu le désir de changer de vie. Je ne parle pas de situations subies qui, tout à coup, viennent modifier le cours de notre vie : un rendez-vous chez le médecin où l’on est entré confiant – pour ne pas dire inconscient – et dont on ressort anéanti par un diagnostic inquiétant, avec une liste longue comme le bras d’examens complémentaires à réaliser. Ou bien un accident grave. Ou encore la rencontre d’un individu qui s’avérera être catastrophique pour notre bien-être psychique. Non ! Je veux parler d’un changement voulu, désiré, mûrement réfléchi, opéré en conscience. Romans, articles, chansons, ou encore émissions de télévision regorgent de ces situations où une personne ordinaire opère ce type de changement, aussi spectaculaire qu’inattendu : reconversion professionnelle, départ pour un tour du monde sans date de retour obligée, engagement total dans une ONG à l’autre bout de la planète, j’en passe et des meilleures... Les innombrables personnes qui jouent, chaque semaine, au loto ont toutes cette idée en ligne de mire, lorsqu’elles achètent leur ticket chez le buraliste.

Je n’échappe pas à cette règle ( pas du Loto, mais du désir de changement). Lors d’une insomnie récente, l’idée m’est venue que si je parvenais à dormir beaucoup moins longtemps chaque nuit, je pourrais disposer d’un temps considérable pour réaliser des dizaines d’activités que je ne parviens pas à effectuer en temps normal. En divisant mon sommeil (par exemple, par deux), je pourrais disposer d’environ 1500 heures chaque année. Un temps considérable qui me permettrait d’engager des tas de choses aujourd’hui totalement inaccessibles, me disais-je, allongé sous la couette, les yeux grands ouverts. J’ai ainsi commencé à rédiger mentalement – je n’avais ni crayon ni papier à porter de main et ne souhaitais sous aucun prétexte quitter la douillette atmosphère de mon couchage – la liste de mes envies (1). Les actions figurant dans la liste qui suit n’expriment aucunement un caractère de priorité, ni un niveau d’importance ou d’urgence. Elle sont inscrites ici dans l’ordre chronologique où elles me sont venues à l’esprit : écrire des romans, des essais, des livres de non-fiction ; étudier à la faculté la sociologie, l’histoire, la littérature ; faire de la randonnée ; écrire un blog ; fabriquer des confitures sans sucre ajouté (ou bien un minimum) ; faire de la politique autrement ; voyager ; réaliser des travaux chez moi, ceux que je n’ai jamais réussi à engager depuis toutes ces années ; visiter la région ; jardiner (ça plairait à ma mère !) ; me lancer sérieusement dans la méditation ; aller voir les amis disséminés aux six coins de l’hexagone (et non aux quatre coins comme on le dit souvent) ; m’inscrire à un atelier de théâtre ou d’arts plastiques ; ne rien faire, regarder passer les nuages dans le ciel, rêver, écouter pousser mes cheveux ; acheter une liseuse ; donner à manger aux oiseaux ; refaire des émissions de radio ; acheter une cave à vin et dénicher des bons crûs régionaux ; monter une maison d’édition ; vendre les livres des copains qui ne trouvent pas d’éditeur ; adopter un chien ; participer à l’université populaire de Michel Onfray ; lire tout Simenon ; passer une licence de philosophie avec le CNED ; devenir bénévole dans des festivals de chanson ; reprendre la collection de timbres que j’ai lâchement abandonnée à ma post-adolescence ; apprendre la cuisine et proposer des repas gastronomiques à mes ami(e)s ; lire régulièrement des magazines ; m’abonner à des sites indépendants d’information sur le net (Médiapart, Là-bas si j’y suis...) ; écouter des émissions de radio en podcast ; m’initier au tennis de table ; faire des photos insolites, du genre un objet qui ressemble à un autre...
Sans doute à court d’idées, je me suis endormi. Jusqu’au petit matin. Jusqu’à ce que le réveil ne sonne et me rappelle que je devais aller travailler. J’avais la tête en compote. Sous la douche, les idées qui m’avaient occupées l’esprit durant la nuit précédente me sont revenues, intactes. J’étais dubitatif : n’était-ce pas seulement dans les romans que l’on pouvait changer de vie ? En buvant mon café, j’ai pris conscience que quelque chose clochait dans mon raisonnement. Je suis un humain ordinaire qui a besoin de ses huit heures de sommeil pour être en forme le lendemain afin de vivre la journée de façon agréable. Me priver de la moitié de mes nuits ferait de moi un zombi, incapable de la moindre initiative ; même en intercalant moult siestes au long des interminables journées que seraient devenues ma vie... En dévalant l’escalier de mon immeuble, j’ai pensé qu’il me faudrait sept vies – ou plus – pour mener à bien tous mes projets... En route pour le boulot, je me suis dit que l’important n’était pas de les mener à bien tous. Seulement d’en avoir... et de parvenir à en réaliser quelques-uns ! Rien que d’y penser, je les dégustais déjà ! Une fois arrivé au bureau, j’ai commencé à réfléchir à une autre solution que la suppression du sommeil pour réaliser mes envies...

Christian LEJOSNE

(1) Titre d’un roman de Grégoire Delacourt, Ed. JC Lattès, 2012


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