L’atelier des miracles
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Ce livre L’atelier des miracles [1] , consiste à énumérer et à valoriser les productions invisibles de nos ateliers… et à les mettre en tension avec les valeurs dominantes de notre époque. (p 37) nous dit l’auteur,
Je l’ai reconnu comme un manuel vivant pour comprendre la pratique de l’éducation populaire aujourd’hui. La lecture de l’ouvrage donne à voir sa démarche en action. Elle nous faire sentir en quoi une pratique d’éducation populaire amène à des ouvertures d’esprit, permet des prises de conscience et concourir à remettre en cause nos préjugés. Le livre aide également à voir comment l’action collective dans un cadre favorisant les échanges entre personnes différentes, contribue à des émancipations. Le processus émancipateur est toujours individualisé, d’une personne à l’autre il est différent, mais il se réalise à travers du collectif.
La production du livre a été un temps pour prendre le temps de regarder (p 47) et de constater que L’association Récup’R ne possède pas beaucoup d’habitude de réflexivité, de retour sur ses pratiques. Influencée par d’autres systèmes organisationnels comme la famille, l’école, le syndicat, l’entreprise, la république française, l’assemblée et l’assemblée idéale, etc... l’association ne s’interroge pas assez sur son organisation (p 116)
Regarder quoi ?
Un lieu dans un quartier, inscrit dans une histoire. Raconter l’Histoire d’un local pour lutter contre le bulldozer du temps (p 53)
Une activité d’auto-réparation de vélos et de couture, dans le but de diminuer les déchets. C’est une montagne d’objets à réparer, des personnes à accueillir et une ville soucieuse de s’embellir (p 50) L’activité en elle même a sa raison d’être, mais elle inscrit dans une action à la finalité plus large : accompagner des personnes dans leur propre émancipation et contribuer à une société plus « belle ». Trois valeurs orientent l’action : l’écologie, par une lutte contre le gaspillage ; la liberté individuelle par l’autonomie / émancipation de chacune et chacun et la fraternité pour un monde où chacune et chacun ait sa place. Personne n’est étranger.e à l’atelier ( p 198)
Un atelier qui pratique l’artisanat. L’artisan fait du sur mesure, il travaille à répondre à une personne précise. Mais dans cet atelier tout le monde est artisan. Nous sommes dans un lieu d’auto-formation permanente. Tous et toutes sont à la fois formateurs et formés.
Un lieu d’apprentissages multiples sans programme. Chacun.e vient avec une attente pour son vélo, pour de la couture, ou autres... et découvre des choses qu’il ou elle n’était pas venu chercher. Ce passage s’opère à travers des rencontres. Le lieu suscite de la rencontre, crée des évènements, laisse naître des activités (Cuisine, auto-édition ) (p 207)
Un lieu autour de richesses alternatives : une remise en cause du modèle capitaliste
avec d’autres choix de rapport au temps, à la relation, à la production (p 102)
avec l’éthique du faire : Comment l’auto-réparation peut rendre plus heureux et meilleur (p 152 )
Un lieu de prises de conscience des contradictions vécues à l’Atelier même,
• sur le travail : Travail, je t’aime moi non plus ! ( p14 )
• sur la difficulté de rendre compte avec les mots de l’entreprise (fiche de poste) du travail des salariés.
• sur la langue : La lecture peut émanciper mais aussi contribuer à l’incorporation des normes dominantes.(p 39)
• Sur la virilisation, les genres, les races, les classes (p 167)
• sur la productivité : L’auto-réparation pour résister à l’ère du temps ( p 243 )
Réparer des vélos [est] un choix à contre-courant de la vitesse et de l’innovation. Mais les normes de productivité acquises en l’entreprise reviennent dans le bénévolat choisi.
• sur le travail domestique : Et paradoxe, pour les femmes pauvres, le travail domestique ( à la maison, pour la famille, pour la communauté) peut être émancipateur. ( p 179 )
L’auteur explore régulièrement la dimension historique : inscrire les ateliers d’auto-réparation dans la grande histoire (l’écologie politique ) ( p 69 )
La forme du livre respecte le cheminement de l’éducation populaire qui donne à penser ensemble (p 14). Elle utilise la démarche proposée dans le « Voir-Juger-Agir » ou dans l’« entraînement mental ». Démarche qui consiste à partir de faits observés, « Voir quels sont les faits », puis analyser, c’est à dire étudier à plusieurs le contexte, chercher les causes, identifier les problèmes et évaluer : c’est à dire estimer le décalage entre les valeurs dominantes et celles qui donnent du sens à la raison de Récup’R. Enfin, en tirer des conclusions pour penser l’action avenir.
Benjamin Picot-Garcia avant d’écrire fait, avec d’autres, un travail d’enquête. Les chapitres commencent par rendre compte des observations et des réflexions glanées chez d’autres acteurs de Récup’R. Il restitue et valorise les productions invisibles des ateliers… Il approfondit la réflexion qui a commencé avant lui en la mettant en tension avec les valeurs dominantes de notre époque. Puis - et c’est assez original - il soumet sa propre réflexion à la lecture de plusieurs autres acteurs de Récup’R en vue de l’enrichir. Aussi trouve-t-on dans le livre, des commentaires sur les commentaires de l’auteur. On se regarde, on se dit : « ah ! Oui ! C’est vrai, on est bien plus qu’un atelier vélo et couture ! » La démarche de cet écrit remet en cause le modèle dominant qui confie à des spécialistes non impliqués dans l’action de venir évaluer ce que les acteurs eux-mêmes ne seraient pas en capacité de faire. Il remet en cause le schéma qui divise les citoyens entre ceux qui pensent et ceux qui mettent en œuvre.
On peut lire le livre comme une auto-évaluation1 collective de ce qui se passe à Récup’R.
Dans ma bibliothèque, je le classe à coté de deux ouvrages qu’il complète.
• Organisons-nous ! Manuel critique d’Adeline de Lépinay par les éditions Hors d’Atteinte qui outille la réflexion en vue de l’action
• L’éducation populaire, un phénix toujours renaissant De la Révolution Française au mouvement MeToo de Paul Masson qui situe la démarche d’éducation populaire actuelle dans sa dimension historique.
Retrouvez la présentation qu’en fait l’auteur dans l’article L’atelier des miracles sur wikdou
[1] L’atelier des miracles Les activités cachées d’un atelier d’auto-réparation de vélo et de couture de Benjamin Picot-Garcia éditions des trois canards