Femmes
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Plusieurs romans écrits par des femmes contemporaines parlent de femmes à différents moments de l’histoire. Chaque roman nous renseigne à la fois sur l’histoire des autrices et sur le moment où ces romans sont écrits et publiés. Quelques illustrations.
L’américaine Julie Otsua, née en 1962, l’autrice de Certaines n’avaient jamais vu la mer, romance en 2011 la vie de Japonaises qui, avant la seconde guerre mondiale, ont accepté de se marier en Amérique à un homme qu’elles n’ont pas choisi… Certaines termineront leur vie internées dans les camps des Nippo-américains. Julie Otsua rend compte des femmes, cette catégorie sociale dominée, victimes d’un ordre qui voit en elle une ressource.
Alice Ferney, dans L’élégance des veuves, publié en 1995, parle également des femmes inscrites dans un ordre social. Ce roman ne s’intéresse pas, comme celui de Julie Otsua, à la femme ressource économique. Ses personnages féminins bénéficient même des privilèges matériels de la bourgeoisie du début du XXe siècle. Mais, victimes d’un conditionnement, elles renoncent, souvent avec « élégance », à vivre leur vie propre pour reproduire l’ordre social dominant.
Dans Les sources, Marie-Hélène Lafon présente la vie d’une paysanne de la première moitié du XXe siècle. Femme battue et mère, il lui faudra des années avant de se décider à quitter son mari. Elle y parvient en 1967, un an avant Mai 68 et les luttes féministes des années 1970. Mais c’est seulement en 2023, après le mouvement MeToo, que l’autrice écrit son roman.
La nuit des béguines d’Aline Kiner présente une organisation sociale de femmes ne dépendant ni d’un mari, ni d’un ordre religieux : les béguinages. Ces béguinages dérangent les clercs, garant de l’ordre dominant. Alice Kiner rend à ces femmes, qui vécurent au Moyen Âge, la place qu’elles méritent dans l’Histoire. Publié en 2017, au moment où MeToo dénonce un ordre masculin oppressif, l’autrice montre que des alternatives ont été et donc restent possibles aujourd’hui.
La plume et l’entrelacs de Béatrice Nourry, paru en 2023, fait vivre à Marie une recherche d’identité, dans le cadre ecclésiale dominant du XXIIIe siècle. Par un anachronisme assumé, l’autrice parle des préoccupations des femmes actuelles. Le roman présente les difficultés d’une quête d’autonomie ; il présente également que la victoire est possible.
Alice Zeniter, née en 1986, et Victoria Mas, née en 1987, sont d’une autre génération que les précédentes autrices. Leurs parents sont de la génération de 1968 et des luttes féministes des années 1970. Des lois accordant de nouveaux droits aux femmes ont été publiées avant leur naissance, .
Dans L’Art de perdre, Alice Zeniter, petite fille de harki, intégrée dans la société française du XXIe siècle, se saisit de l’histoire douloureuse de trois générations victimes de la guerre d’Algérie, avec un regard de femme indépendante. Elle veut comprendre sa situation de petite fille d’immigrés et son époque.
Le bal des folles de Victoria Mas dénonce, avec brio et sans pathos le système d’oppression des femmes. Cette oppression est tellement assumée dans le société de la fin du XIXe siècle qu’elle n’est pas perçue comme oppression. Le personnage principal a été interné par sa famille à l’hôpital Salpêtrière. Un lieu qui est en soi tout un symbole : prison et hospice pour indigentes, asile pour aliénées, lieu d’enfermement de femmes qui dérangent. Au moment de l’intrigue, le professeur Charcot y conduit ses travaux sur l’hystérie, cette maladie psychologique dont le caractère exclusivement féminin est inscrit dans sa nomination. La science et la rationalité sont là pour justifier le bien-fondé de l’enfermement féminin. A la mi-carême, l’hôpital organise un bal où les « folles » viennent danser sous le regard exotique de la bourgeoisie parisienne. L’autrice confie à l’héroïne le soin d’éclairer le lecteur et de déjouer la mascarade. Le roman sort en 2019, pendant la nouvelle vague féministe du mouvement MeeToo.
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