Les empreintes du moi

lundi 24 septembre 2007
par  Christian LEJOSNE
popularité : 13%

Je suis en terminale je cherche ma classe j’entre dans une salle, des élèves me disent être la T4 Moi je suis de la T3 ça doit être la classe d’à côté, une sorte de bungalow de verre dans lequel un élève est déjà assis à une table Je le rejoins et m’assieds à ses côtés Un homme grand, mince et bien habillé entre et parle à l’autre élève Ils sortent tous les deux A travers la cloison vitrée je vois l’homme sortir un revolver de sa poche et tirer sur l’élève Je suis cet élève et l’autre me tire dessus je sors mon revolver et tire sur lui je vois bien que son revolver est plus sophistiqué que le mien il brille, le jeu semble inégal, quand je tire il ne se passe rien pas de bruit, c’est comme si je ne l’atteignais pas Pourtant à force il tombe, il est mort, ensuite avec mon camarade de classe nous tirons son corps hors de la salle… J’ai fait ce rêve après avoir lu un passage du livre Les noces dans la maison de Bohumil HRABAL (1) où il écrit qu’il n’aime pas son image dans les miroirs…

Il fait dire de lui je savais fort bien que ses écritures lui faisaient peur qu’il n’avait pas confiance qu’il doutait de lui-même tout comme il était terrifié par son image dans le miroir J’avais même souligné ce passage du livre La même nuit j’ai fait un autre rêve dont il ne me reste rien Ce dont je me souviens c’est que le rêve racontait une histoire une histoire où je ne figurais pas dans le rêve Un rêve comme on raconte une histoire ça n’est pas la première fois que ça m’arrive surtout ces derniers temps Dans le rêve à la fin je me mettais à écrire en me disant que ce genre de rêve c’était exactement ce qu’il me fallait pour écrire des histoires Il faut que je vous explique j’écris tout ça à la manière de HRABAL sans ponctuation comme il a écrit les Noces dans la maison en indiquant en préambule que le lecteur trouvera ici des empreintes de son propre moi Sur ce plan il a parfaitement réussi ! Il me fait rêver à tous les points de vue…

Il faut que je vous dise, HRABAL est complètement givré… Il se fait appeler le professeur pourtant il a fait tous les métiers sauf celui-là, et puis il a fini par être écrivain, mais un drôle d’oiseau d’écrivain, un écrivain qui écrit à sa façon pas dans les règles de l’art… Ca ne lui ressemblerait pas d’écrire dans les règles de l’art, ce qu’il écrit doit correspondre à sa façon à lui d’écrire et sa façon à lui ne ressemble à aucune autre… Rien qu’à le regarder écrire on comprend tout de suite que ça être spécial, il écrit en montant sur le toit de son immeuble, et accrochez vous, le toit n’est pas plat, ça n’est pas un toit terrasse, pas du tout c’est un toit pentu comme sont les toits de nos maisons, alors pour arriver à tenir debout sur son toit pentu, il a scié les pieds de sa chaise et ceux de la table sur laquelle il pose sa machine à écrire, et comme il n’est pas bricoleur, puisqu’il est écrivain, rien que pour arriver à obtenir une table et une chaise qui soit à peu près d’aplomb il a fallu qu’il abîme plusieurs meubles, il a pas été foutu de faire ça du premier coup, il a fallu qu’il s’y reprenne en plusieurs fois… Et vous savez pourquoi il écrit sur le toit ? Non, vous n’en savez rien, vous ne pouvez pas imaginer pourquoi … C’est parce qu’il aime être bronzé, alors il suit le soleil et bouge de place sur le toit à mesure que le soleil avance dans le jour… Ca fait de lui un écrivain de la journée, pas un Balzac écrivant la nuit à la lumière de sa bougie en sirotant du café HRABAL, c’est pas du café qu’il sirote c’est des bières, des Pilsen, du nom de la ville tchécoslovaque où est fabriquée la bière, parce qu’il était Tchécoslovaque, HRABAL… Comme il aime bien boire des bières il profite toujours d’une occasion pour aller en boire dans les bistrots et quand il est au bistrot impossible de le déloger ce qui fait qu’il n’écrit pas beaucoup … Ou plutôt qu’il n’écrit pas longtemps parce qu’il écrit beaucoup en fait … Alors pour compenser le fait de pas écrire longtemps parce qu’il est souvent tenté d’aller rejoindre ses copains boire des bières au bistrot, il écrit à toute biture il écrit très vite il tape à toute allure sur sa vielle machine à écrire et c’est ça qui donne ce style d’écriture, l’écriture d’un gars pressé qui a peur que ce qui lui passe par le ciboulot s’en aille avant qu’il ait eu le temps de le taper sur sa vielle machine...

Les noces dans la maison est une autobiographie décalée, un regard décentré que HRABAL porte sur lui-même en ayant recours à un stratagème qui consiste à faire parler sa femme de lui… Une tentative de regard extérieur qui parvienne à décrire ses états d’âme ses réflexions l’envers de son décors les coulisses de sa mémoire… L’écriture est une expression personnelle, elle ne part pas du sujet, elle y mène L’écriture de HRABAL mène tout droit à HRABAL… Moi qui ai lu Les noces dans la maison je peux vous dire que ça valait la peine d’avaler ces six cents pages alors si ça vous chante de lire une autobiographie qui ressemble à tout sauf à une autobiographie, lisez HRABAL vous verrez quand vous aurez mis le nez dedans vous oublierez d’aller au boulot, vous resterez au lit tard le matin parce que vous aurez passé la nuit dans les bistrots en compagnie de votre copain HRABAL qui vous aura lu Les noces dans la maison jusqu’à pas d’heures, je vous aurai prévenu après tant pis pour vous…

(1) Point Roman 1990


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