Ne penser qu’à chat !
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Tout a commencé le jour où ma femme a trouvé dans notre jardin un chat mal en point qui ne tenait plus sur ses pattes. C’est un jeune chat mince au pelage gris et blanc, à la tête fine et aux yeux en amandes. On dirait une geisha. Mais une geisha handicapée. Le chat s’est laissé approcher, ma femme l’a couché dans un panier pour qu’il se retape. Deux jours et deux nuits plus tard, il ne semblait guère assuré sur ses pattes. Comme elle devait partir et que j’étais moi-même absent, elle a contacté nos voisins pour chercher à qui il appartenait. Une jeune adolescente est venue le rechercher. « Il s’appelle Chico, ça veut dire garçon en espagnol », a-t-elle précisé. Ça se prononce Tchico. Comme nous ne parlons pas espagnol, nous avions tendance à l’appeler « chicot » ce qui, il faut bien le reconnaître, n’est pas des plus hospitalier. Nous l’avons donc rebaptisé Chou-Chou. (On ne rit pas !)
Aujourd’hui, Chou-Chou va bien. Ne subsiste aucune trace de sa paralysie, qu’il a sans doute oubliée. Ce qu’il n’a pas oublié, par contre, c’est le chemin qui le mène chez nous, où il réside maintenant plus souvent qu’auprès de sa jeune maîtresse. Parmi les animaux domestiqués, le chat demeure indépendant : c’est souvent lui qui choisit son maître. Mais Chou-Chou n’a pas seulement décidé de s’installer chez nous, il y a également invité sa bande de chats errants à moitié sauvages. Rapidement, une petite chatte, qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, a fait son apparition dans notre jardin. Avant que ne la rejoigne une belle chatte tigrée à poils longs et à la queue en panache, accompagnée de celle que l’on a pris pour sa fille tant elle semblait en tous points identique mais plus menue en taille. Nous allions bientôt découvrir que là où vivent des chattes, des chats finissent par montrer leurs moustaches ! Un grand matou musclé a fait son apparition. Résultat : il ne s’est pas passé longtemps avant que deux des chattes ne se mettent curieusement à s’arrondir.
Nous attendions avec appréhension l’arrivée des chatons. Objectif : dès leur naissance, laisser un seul chaton à chaque chatte. Las ! Les animaux pensent à tout ! La première chatte accoucha dans le tronc creux de notre vieux mûrier-platane : impossible d’attraper les chatons. Minouchette – c’est ainsi que l’on a fini par l’appeler – sortait régulièrement de l’arbre pour se nourrir et faire ses besoins avant de retourner, en bonne mère, dans son trou. A chaque passage chez nous, nous tentons de l’apprivoiser... Après deux mois, elle entre dans la maison comme si elle était chez elle, mais se laisse difficilement caresser ; encore moins attraper. Pendant ce temps, la plus petite des chattes – que l’on avait appelé Pitchounette – a fait une fugue dont elle n’est jamais revenue. La seconde chatte enceinte – appelons-la Caline – a également fait ses petits. Un matin, nous la vîmes toute dégonflée... Où avait-elle accouché ? Il fallut la guetter discrètement pendant deux jours pour découvrir qu’elle nichait sous notre haie. Difficile pour un humain de s’improviser détective privé de chats. A trop nous approcher d’elle, Caline prit peur et délogea ses trois petits hors de chez nous. Quand Minouchette trouva son nid trop étroit, elle sortit un à un ses petits dans la gueule pour les conduire sous le chalet, au fond de notre jardin.
Quatre chats, quatre comportements différents. Minouchette mange quinze fois par jour, sans doute trop, même pour une chatte qui allaite. On la sent perpétuellement inquiète, jamais décontractée. Il lui a fallu surmonter ses peurs pour oser mettre une patte dans la maison. Chacun de son côté, on essaie de s’apprivoiser et on sent que ça prendra du temps. Caline est à l’aise avec ses congénères, elle aime se frotter contre eux. Par contre, impossible pour nous de l’approcher. Le matou, lui, continue de venir – on l’a appelé Roméo, mais Don Juan aurait été plus adapté. On l’entend miauler avant de le voir. Il attend que les chattes soient à nouveau disponibles. #MiaouToo reste à inventer chez les félins ! Quant à Chou-Chou, il passe le plus clair de son temps chez nous. Sans doute habitué au contact des humains depuis sa prime enfance, il est à l’aise partout, s’intéresse à tout – il est resté fasciné face au hublot de la machine à laver derrière lequel tourne le linge. Ma femme le trouve beau comme un dieu égyptien. Elle qui rêvait d’adopter un chien a hérité d’une ribambelle de chats ! Le monde est ainsi fait ! Nous ne décidons de rien. Tout nous échappe...
Christian Lejosne