Que sont nos rêves devenus ?

mardi 6 mars 2007
par  Christian LEJOSNE
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La vie est faite de choses étranges, de mystères que nous cherchons désespérément à élucider, mais qui restent pour la plupart irrésolus. C’est pourtant bien le fait de se poser ces questions qui nous guide au plus profond de nous-mêmes et qui donne un sens à notre vie. Deux situations que j’ai vécues dernièrement illustrent cette idée :

Dans la chronique du mois dernier, je vous parlais du travail, tel qu’il est aujourd’hui et là où il s’oriente au travers d’un essai écrit par Luc BOLTANSKI et Eve CHIAPELLO (1). Cette chronique m’avait pourtant laissé sur ma fin. Je n’abordais la question que sous un angle critique et ne faisait aucune proposition constructive – pourtant abordée dans le livre en question. J’ai eu dernièrement entre les mains un DVD fort documenté sur des alternatives au travail (2). Dans une première partie, sociologues, psychiatre et médecins du travail donnent quelques clés de compréhension dans les rapports entre l’homme et le travail. La seconde partie laisse la parole à quelques personnes qui ont mis en œuvre dans leur vie des alternatives au travail, tel que travail choisi à temps partiel pour consacrer le reste de leur vie à ce qui les passionne : s’occuper de leurs enfants, étudier, lire, s’engager dans la vie sociale... J’y ai retrouvé au hasard des interviews, un couple que j’avais connu quand j’étais adolescent et que j’ai perdu de vue depuis trente ans. Leur vie semble toujours en phase avec leur idéal. Anne-Marie et Dominique, sans le savoir, vous avez contribué à transmettre des valeurs au jeune homme en devenir que j’étais, par le simple fait de vos existences. Je suis heureux de constater que trente ans plus tard, vous continuez à développer vos dons naturels et à en faire profiter votre entourage.

Il y a quelques temps, j’ai réalisé un test publié dans un vieux numéro du magazine Psychologies, qui s’intitule L’atelier du moi (3). Une trentaine de questions subtilement choisies et réparties permettant de réfléchir sur ses valeurs, son enfance, ses représentations et les schémas négatifs que l’on se construit malgré soi. J’y ai consacré une journée. Et j’ai découvert ce qui n’aurait dû être qu’une confirmation : enfant, j’avais le désir de m’orienter vers des activités créatives. A la question « enfant, quels étaient vos rêves ? » je me revois dans la rue, regarder avec envie les jeunes étudiants des Beaux Arts marchant avec un carton à dessin sous le bras. Envie et soumission. Me disant que ça n’est pas pour moi. Que je ne saurais pas. Que je ne serais pas à la hauteur. Pourtant, je me débrouillais bien en peinture. J’étais allé acheter des gouaches et des pinceaux, au début de vacances d’été, quand j’avais onze ou douze ans. J’avais peint ce jour-là une nature morte : le panier à commissions de ma mère, que j’avais rempli de fruits et légumes. Je m’en souviens comme si c’était hier. Puis, j’ai surtout peint des reproductions de tableaux : Van Gogh, Gauguin … Je n’osais pas franchir le pas de la création. J’avais le sentiment que ça n’était pas pour moi. Que ça m’était inaccessible. Pourtant, le cousin de mon père, un peintre célèbre, m’avait incité à venir peindre dans le club qu’il animait le dimanche… Ce que je n’ai jamais osé faire.

Adolescent, j’ai écrit également. Sur des cahiers. Des poèmes. Des débuts de roman. Des pensées. Des essais politiques… Et puis, dès que je suis devenu grand, dès que j’ai travaillé, vécu en couple, tout ça s’est envolé. Fini. Dispersé. Les choses sérieuses avaient déjà repris le dessus. Quand je fais aujourd’hui le bilan de ce qui me motive et qui représente une continuité tout au long de mes activités professionnelles et bénévoles, je retrouve en bonne place le rapport à l’écriture, les techniques d’entretien, l’aide aux autres pour mieux formuler leurs attentes, leurs projets… Pourtant, chaque fois que je me suis engagé dans des activités créatives au sein d’associations, j’ai rapidement fini par me retrouver à faire tout sauf de la création : gérer du personnel, des budgets, de l’intendance… Comme si je reproduisais le même schéma consistant à m’éloigner de mes désirs profonds. Comme s’il y avait une sorte de suprématie inconsciente du matériel sur la créativité. Comme si j’étais condamné à gérer le matériel et que la créativité me restait inaccessible. Jusqu’à ce que j’aie quarante cinq ans et que, par une décision qui par certains côtés m’échappe encore, je me retrouve à mille kilomètres de ma vie précédente. Que j’entame comme une re-naissance, me permettant de faire une pause et de réorienter ma vie. Laissant cette fois, une place à ma créativité, renouant avec mes rêves inavoués d’enfant. C’est cela que je découvrais en me livrant à cet atelier du moi.

Je crois profondément que chaque situation est porteuse d’un message que nous devons entendre. C’est notre degré de conscience et de présence à ce qui nous arrive qui détermine si nous apprenons et continuons à avancer vers nous-mêmes, ou si nous devrons affronter encore et encore la même situation avant de parvenir enfin à l’intégrer et à nous transformer.

Christian LEJOSNE

(1) Le nouvel esprit du capitalisme. NRF - Gallimard – 1999
(2) Un film de Pierre Alain SAGUEL et Jean MONESTIER – Les productions de la lanterne (www.lalanterne.fr)
(3) Psychologies Juillet – Août 2003. Test réalisé par Rebiha COUILLET, psychologue et psychothérapeute, auteur de Etre soi, apprendre à devenir soi-même ESF – 1997


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