Dialogue du jour et de la nuit
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A l’orée d’un bois, au très petit matin, le jour s’approche de la nuit désolée de s’en aller si tôt.
Laisse là ton ombre, laisse place au soleil, sans moi la vie sur terre ne pourrait exister !
Pourquoi me parles-tu sur ce ton péremptoire ? J’apporte le repos, j’apporte la fraîcheur, ma mission est utile, sans moi point de sommeil, rien de réparateur.
Le jour interloqué fit un bref silence. Il portait le soleil, il était la lumière, il était la vie même et le voilà contré ! et par une ombre en plus ! Il en était vexé.
La terre me doit tout. Je réchauffe le sol, je fais pousser les plantes, ravive les odeurs, fais naître les couleurs. Je suis l’activité, je produis la richesse. Quand j’arrive le coq chante. Avec moi, c’est la vie qui peut s’épanouir. Avec toi, tout est sombre, même la faible lueur de la lune, c’est à moi que tu la dois, et tu viens me parler ! Je suis force de vie, toi tu portes la mort.
Et la nuit se taisait. Que pouvait-t-on répondre à ce jour fanfaron, fat et dominateur ?
Un vieil homme fatigué, arrivait de l’ouvrage. Il était à la fois fourbu et déprimé.
Ma vie est un enfer, dit il aux deux compères, je ne veux plus trimer, j’ai hâte de mourir. Lequel de vous deux mettra fin à ma peine, lequel de vous deux saura le mieux m’aider ?
Le jour immédiatement s’empressa de répondre :
Comment veux tu mourir vieil homme. La lame d’un faucheur pourra te découper avec tant de finesse que tu ne souffres pas. Dis moi ce que tu veux, tu seras satisfait.
Et la nuit se taisait, puis elle dit au bonhomme :
Couche toi près de moi, viens et ferme les yeux.
L’homme s’exécuta, espérant une mort douce, et la nuit fit silence, bloquant pendant un temps la course du soleil.
Le jour s’impatientait, il avait de l’ouvrage, des œuvres à accomplir, son temps était compté et le voilà bloqué par une nuit stupide !….
Laisse moi donc passé, dit-il fort à la nuit
Laisse moi quelques heures, je les veux pour cet homme.
Cet homme veut mourir et moi je suis pressé
Laisse moi quelques heures, lui répéta la nuit, en retenant bloqué l’avancée du soleil.
Et voici que le temps semblait comme arrêté. L’homme semblait dormir. Il était immobile. Etait-il le cadavre qu’il voulait devenir ? Etait-il dans les rêves, on ne le savait point. …..
Soudain, il s’éveilla reposé et serein. Il dit dans un sourire :
J’ai faim, j’ai soif, j’ai tant à faire. Quand le jour va-t-il se lever ?
Et la nuit débloqua la course du soleil.
Le jour reprit son cours, un peu interloqué par ce qu’il avait vu
Vaque donc ! dit la nuit, au jour qui revenait ; et puis, elle s’endormit.
Paul