Un moment d’une grande aventure culturelle

dimanche 9 juin 2019
par  Paul MASSON
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Depuis la sortie de Dans les pas de Gaston Couté, un groupe de chanteuses, chanteurs, interprètes et un musicien fond vivre les textes du poète bauceron lors d’après-midis et de soirées.
Le mercredi 5 juin 2019, le groupe animait sa douzième Conférence-spectacle dans un café associatif culturel d’Arras : Le Rat Perché.

Hier soir, un nouveau temps de l’aventure

Au début du spectacle, moment de stupeur. Je dois commencer dans un brouhaha énorme. Une partie importante du public, n’est pas là pour nous écouter, elle ne prête pas plus attention à nous, que les consommateurs d’une grande surface ne prêtent attention au fond sonore des grands magasins. Qu’est ce que je fous là ? on s’est trompé. La conférence-spectacle n’est pas adaptée à un tel lieu, il va falloir aller chercher le public avec les dents. Il ne faut plus se remettre dans une situation semblable….
Vite, arriver aux chansons. Je saute une ou deux phrases de mon texte. A La chanson de printemps des ch’mineux, le brouhaha semble diminuer. Est-ce le texte, le provoquant j’veux une fille, l’interprétation très cabaret de Jean Jacques qui ont conquis des auditeurs ? Le barman a-t-il demandé aux plus bruyants de baisser d’un ton ? Les Gourgandines, nouveau défit, un texte long, en patois, difficile... c’est pas le moment... pourtant Jacqueline passe la rampe. Les interprètes s’accrochent, le spectacle continue. Petit à petit la météo sonore se calme. J’ai maintenant accepté la situation. Notre auditoire aussi s’est fait au bruit du café… Je perçois des signes d’attention soutenue. Notre public nous accompagne.
Pour la chanson finale, tout le monde est sur scène. Nous ne nous sommes pas mis au clair sur la place de chacune et chacun, personne n’a rappelé les consignes d’interprétation, c’est le foutoir.… mais, ça passe. Le public ne nous en tient pas rigueur. Le spectacle est maintenant terminé, sourires des artistes amateurs. Chanteurs et conteuses ne se sont pas laissés déconcentrés, toutes et tous ont pris du plaisir….

La deuxième partie de la soirée est une nouvelle aventure. Je suis accosté, interpellé. Le temps passe. Soudain, Philippe et Martine s’en vont, ils n’ont rien mangé... Happé par les sollicitations, je n’ai pas demandé au barman de nous servir le casse-croûte, pas même pris une minute pour me commander une bière… Je me sens débordé, gêné de ne pas me soucier davantage de mes hôtes... J’interpelle le barman : Pour le casse-croûte ? Ça vient !…
Un gars m’accoste : « J’avais entendu la chanson Sur le pressoir quand j’étais en vendange. Un vendangeur la chantait le soir, je ne savais pas que c’était de Gaston Couté, je ne connaissais pas Couté… » Ainsi donc, certains textes du poète ont passé la barrière du temps, ils se sont inscrits dans la culture anonyme paysanne.
Longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu, leurs chansons courent encore les campagnes, les vignes et les bois.
Deux hommes euphoriques m’accostent. L’un avait découvert Couté, en Bretagne, il y a longtemps. L’autre ne connaissait pas l’auteur. Il avait entendu parler de notre spectacle au LAG de Liévin, et était venu voir. Il est conquis par les textes qu’il vient de découvrir. Dans son exaltation, il offre une tournée générale pour les artistes et celles et ceux qui les accompagnent.
Tous deux achètent Dans les pas de Gaston Couté. Ils achètent également Chemins et mémoires pour en savoir plus sur la démarche d’éducation populaire.

Chanteurs, chanteuses, conteurs et conteuses sont maintenant installés autour d’une table devant trois grandes planches très appétissantes de charcuteries et fromages. Tout le monde est serré, je me joins au groupe, un peu en retrait car la place est limitée. Ça parle, ça vit, ça fait plaisir à voir.
Je remarque, à la table d’à-côté, trois jeunes, deux gars et une fille. Ils cherchent à entrer en communication, sans savoir comment s’y prendre. Je leur demande : Alors, vos impressions sur la soirée ? Ils sont emballés, ils viennent de vivre un évènement exceptionnel. De passage à Arras, le temps d’une formation, ils sont venus ce soir pour découvrir le Rat Perché, ce lieu que l’un des trois a repéré par hasard et se trouvent au premier rang d’un spectacle.
La jeune femme est silencieuse, mais ses yeux et le geste vers son oreille, pour entendre davantage, indiquent qu’elle ne veut rien perdre de ce qui se dit. Les gars sont volubiles, surtout un. Ils n’en reviennent pas de ce qu’ils ont vécu et cherchent à comprendre pourquoi Gaston Couté est resté inconnu. J’essaie d’expliquer : le paysan, le patois, le cabaret, l’anarchie… rien pour intéresser les milieux de la culture. Mais mes discours ne les satisfont qu’à moitié. Eux, qui viennent de vivre un moment riche en émotions, un grand moment culturel, trouvent que ce n’est pas normal qu’un tel poète ne soit pas plus connu. Quel puissance cette poésie ! Cela me sera confirmé le lendemain. Le barman de la soirée au Rat Perché, satisfait de la soirée aura cette formule : C’était fort, il n’y a pas que Victor Hugo en poésie.

Dans la conversation, le plus loquace me demande : Et vous, est-ce que vous avez pris du plaisir ce soir ? Je suis surpris. En l’espace d’une seconde, mon esprit passe en revue la soirée... les tensions, le spectacle, les rencontres… et le diagnostic final tombe : Oui, j’ai pris du plaisir ce soir. J’ai passé une belle et riche soirée. Les textes de Couté peuvent supporter le brouhaha, sa poésie mérite que les interprètes dépassent le confort des salons où l’on chante et interprète des poèmes.

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