Jour sombre
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« Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l’empereur brisait le masque étroit . »
Victor Hugo
Une page est tournée, la droite sans complexe affiche sa richesse,
le Fouquet, les paillettes, un yacht au large de Chypre,
Johnny, ambassadeur, repu et aviné affirme sa confiance. Il reviendra en France. Nabuglion le petit est devenu premier consul.
Moi, j’ai mal à la France, moi j’ai mal à ma France, j’ai mal à 1789, à la nuit du 4 août, j’ai mal aux résistants, j’ai mal aux opprimés. Je vois l’affiche rouge graffée « mort pour la France »
J’ai mal avec Hugo, et j’ai mal à Malraux, j’attends, je scrute, je rêve,
je recherche « l’espoir ». J’entends Léo Ferré, Prévert et Aragon.
J’ai mal à 68, j’ai mal à ma jeunesse, j’ai mal à la jeunesse qui arrive à présent, à celle d’aujourd’hui, abandonnée, déçue, dont l’idéal s’ébranle,
comme à celle qui croit que pour faire son chemin la puissance des crocs, la force du pouvoir, permet de vivre libre, nourri de sang humain.
J’ai mal à la Commune et j’ai mal à 36, à la France d’en bas, aux pauvres, aux miséreux, aux exclus, aux malades, à tous ces gens étranges aux trous dans la mémoire. Je sens l’odeur fétide des hôpitaux défaits, des quartiers délabrés, des habits de clochards.
Retiré, refermé, je lèche ma blessure, j’écoute Jean Ferrat, un baume pour ma plaie.
De plaines en forêts de vallons en collines
Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine
Je n’en finirai pas d’écrire ta chanson
Ma France
Au grand soleil d’été qui courbe la Provence
Des genets de Bretagne aux bruyères d’Ardèche
Quelque chose dans l’air à cette transparence
Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche
Ma France
Cet air de liberté au delà des frontières
Aux peuples étrangers qui donnait le vertige
Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige
Elle répond toujours du nom de Robespierre
Ma France
Celle du vieil Hugo tonnant de son exil
Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines
Celle qui construisit de ses mains vos usines
Celle dont monsieur Thiers a dit qu’on la fusille
Ma France
Picasso tient le monde au bout dé sa palette
Des lèvres d’Eluard s’envolent des colombes
Ils n’en finissent pas tes artistes prophètes
De dire qu’il est temps que le malheur succombe
Ma France
Leurs voix se multiplient à n’en plus faire qu’une
Celle qui paie toujours vos crimes vos erreurs
En remplissant l’histoire de ses fosses communes
Que je chante à jamais celle des travailleurs
Ma France
Celle qui ne possède en or que ses nuits blanches
Pour la lutte obstinée de ce pain quotidien
Du journal que l’on vend le matin d’un dimanche
A l’affiche qu’on colle au mur le lendemain
Ma France
Qu’elle monte des mines descende des collines
Celle qui chante en moi la belle la rebelle
Elle tient l’avenir serré dans ces mains fines
Celle de trente six à soixante huit chandelles
Ma France