lumière d’enfance
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Je n’en finis pas de tourner en rond autour de mes mots adultes, pour chanter les criques magiques ou vagabondent les enfants.
Je m’y laisse mener de plus en plus souvent par les enfants de mes enfants, et j’en reviens chaque fois plus légère, le cœur nimbé d’un halot indéfinissable, comme reteinté d’une ancienne sérénité perdue.
C’est la poésie de l’instant que je cueille dans leur façon de regarder l’oiseau, de marier deux cailloux, d’animer trois ficelles, de raconter le jour… cette poésie que j’avais étouffée dans des cascades d’instants, sous des barreaux de calendriers …. Dans le foisonnant terrain vague de leur imaginaire, c’est le mystérieux écheveau de tout l’univers, qu’ils me donnent à redécouvrir… mais ils le mêlent à la danse de leurs cabrioles, et aux cerfs-volants de leurs mots fous… et le monde entier semble s’alléger… et je me dépouille en même temps, de la vanité de mes entraves et du dérisoire de tous mes savoirs …. Et je m’envole avec eux, dans les beaux jardins oubliés du rêve et de la création qu’ils habitent de l’aube à la nuit, sans même le savoir. Les enfants sont naturellement pétris de cet état, pour lequel, alourdis de nos grands soucis, nous avons dû inventer le mot « bonheur ». Ils l’ignorent, et cela leur est bien égal, occupés qu’ils sont à déguster l’inaltérable rosée de vie qui se distille dans la saveur du présent.
Baptiste, je vois bien que tu apprivoises lentement « l’âge de raison » et que tu abordes déjà les grandes étendues organisées de l’espace et du temps. Laisse encore quelques temps ta montre dans ta poche !! Sur l’île sauvage de tes mercredis j’aimerais tant m’attarder encore avec toi , sans boussole… Ton interminable périple entre le dinosaure et le pirate ressuscité,
c’est comme un arc- en –ciel dans l’ombre des frontières, une bouffée de rire dans nos livres d’histoire ….
Et toi, Séphora, qui te rassasies infiniment de mes « histoires dans la tête » j’ aime tes éclats de rire inattendus et tes frayeurs démesurées, pour la moindre embuscade de ces héros pâlots, dont je ne sais pas toujours quoi faire… Embrase, quelques étés encore, de tes grands yeux curieux, la source fragile de ce qu’il me reste d’enfance… Et nous ferons de ces contes farfelus, un petit radeau de tendresse pour nous deux, voguant, sans jamais accoster tout à fait, entre les rives rassurantes de la réalité, et les îlots brumeux de la féerie.
Petite Mathilde, ta vie de trois ans dans nos pas, c’est comme une musique nourrie de l’air et de la lumière qui passe … une musique de fêtes improvisées, de baisers furtifs, de mots drôles qui touchent, de petits jeux de rien et de riens qui enivrent … Et quand tu m’invites à rester chez toi jusqu’à mille ans, je n’ai soudain plus d’âge et je dérive dans l’infini de ma ligne de vie avec, pour seule boussole, tes cheveux dorés dans le vent …
Et toi, bébé Pierrot, ta vie de quelques mois , la même que dissèquent des millions de savants sur des millions de livres de bibliothèque. moi je m’en étonne chaque seconde , tout simplement comme d’un bourgeon qui s’ouvre dans le secret d’ une aurore ; Te rappeler soudain l’oiseau qui va passer peut- être , au raz de la pelouse, c’est pour toi chaque fois l’annonce d’un époustouflant voyage qui te fait tout oublier. Et dans tes yeux, je savoure, le brillant de l’attente, et l’émerveillement, quand, par surprise, l’oiseau passe … Et aucun auteur de bibliothèque ne trouvera jamais le mot juste pour commenter cette musique-là : ton rire et le mien accordés, à la fenêtre du jardin …….
Nicole