Mon père est mort
par
popularité : 10%
Mon père est mort le 8 septembre. Je ne comprends pas encore bien ce que ça veut dire : Où est il parti ? Quand je lui parle dans le silence, les paroles qui viennent ne vibrent-elles que pour moi, ou encore pour nous deux ?
Mon père est mort, et les arbres qu’il aimait, répandent, avec plus d’arrogance encore, leur bruissante beauté remplie d’oiseaux…Et la cloche dans le lointain, dont il savourait le tintement paisible, me murmure, bien plus fort, les secrets accords de sa petite musique de vie.Mon père est mort.Plus jamais je n’appellerai, dans le froid d’un couloir, ou le creux d’un jardin « Papa ! » Mon père est mort, et dans l’abîme de son absence s’éveillent tous les regards que j’ai négligé de poser sur lui, et les gestes, et les vibrations de son âme, qui se sont perdus à jamais, dans le tourbillon de nos chemins éloignés… Mon père est mort, et je me souviens, et je n’en finis pas de me souvenir… Je nous revois tous les deux, papa, assis sur un banc délavé de la place du rivage. Nous laissions voyager nos silences dans la lumière un peu glacée de ce dimanche matin… Je pensais à la douceur du rivage entre deux naufrages au « cantou ». Toi, tu dévorais, comme un enfant privé, des sablés aux amandes. J’essayais de goûter quelques bribes de bonheur, éclatées dans tes yeux, et tes mille petits baisers affluant sur ma joue… Je tentais de m’avancer au plus près de toi, de ton mystère, égarée entre la tendresse et la douleur.Mais d’où te venait donc cette soudaine bouffée de larmes, au passage d’une petite fille courant entre les arbres ?Et ce chaos de mots jeté dans le mouchoir que tu pliais sans fin,..Et ce cri de colère, devant la tourterelle qui marchait vers tes miettes ?Je me souviens qu’en dénouant tous ces « pourquoi » enchevêtrés, je sentais affleurer d’autres nœuds de notre histoire, bien plus lointains.Mais qui étais-tu donc papa, avant ce grand séisme ? Je m’en souviens si peu… Que voulais tu me dire que je n’ai pas compris ?Qu’ai-je fait des jardins que tu soignais pour moi ? et de tant de matins où nous frôlions nos pas ? Mais qui étais-tu donc papa ? Je m’en souviens si peu …
Nicole