Amours et désamours

dimanche 9 novembre 2008
par  Nicole DUPUIS
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Petit bout de conversation avec Baptiste 8 ans et Mathilde 5 ans, sur la route des jeux du moulin d’Achicourt :
Moi : « Vous en faites de grands signes « au-revoir » à votre mère ! On dirait que vous la quittez pour 8 jours .Vous l’aimez vraiment beaucoup ! »
Baptiste : « Oh oui ! jamais de la vie je n’aurais pu avoir une autre mère que celle-là! C’est vraiment la meilleure de toutes les mères du monde entier ! »
Moi : (dans un élan de satisfaction) « Alors vous pouvez me remercier, parce que c’est moi qui l’ai faite !……Avec papi, bien sur ! »
Un silence s’étire, ou chacun divague sans doute, à la lisière de quelques questions essentielles…
Puis, Mathilde « Oui, mais peut-être que quand elle sera très, très, mais vraiment très, très vielle, on l’aimera plus ! »

Etonnante clairvoyance de l’enfance, qui pressent déjà à 5 ans, toute la force magique et la fragilité de l’amour, toute sa complexité, pétrie de puissance miraculeuse et de failles nauséabondes. Dans un petit cerveau de 5 ans, vadrouillent déjà, entre la farandole des play-mobil et la saveur d’un chocolat, les pensées existentielles qui tournent toujours en rond dans mon cerveau de grand-mère : « qu’est-ce que l’amour ? » « de quoi sont-ils nourris, nos gestes d’affection, pour ceux que la vieillesse, le handicap, égarent vers des chemins de laideur, de déchéance, de folie ? Est-ce encore, d’amour ? »
Quand on aime, c’est toujours un peu de soi qu’on aime en l’autre, ne serait-ce que l’intérêt qu’on éveille en lui. Mais quand l’autre nous renvoie surtout ce qui nous effraie ou nous déroute en nous…. A quelle sève s’alimentent nos regards et nos pas vers lui ? Quels chemins mystérieux nous rapprochent de lui ?
Sans doute le souvenir, la reconnaissance de tout ce qu’il nous a donné, de tout ce qu’il fut pour nous. Ou encore, un certain devoir de fraternité qui s’impose. Ou simplement une élan inaltérable de notre humanité vers l’être insaisissable qui continue de vivre en l’autre, au cœur de son étrangeté….. une approche de celui que nous deviendrons peut-être un jour.
Et sans doute, parfois, tout cela à la fois….

Je pense au récit autobiographique de Jean-Louis Fournier « Où on va, papa ? »
L’auteur nous y raconte, d’une plume trempée dans un mélange de douleur et d’humour, sa vie de papa de deux grands handicapés. Il nous livre sa souffrance de n’avoir jamais partagé avec ses fils, l’émotion pour un concert, pour un livre, pour une activité partagée. Il déplore l’implacable absence des soucis d’orientation pour ces grands enfants, qui, de toutes façons « ne feront jamais rien » Oui, entre ces 3 là, ils semblent bien étroits et fragiles, les sentiers de l’attachement ! Et pourtant, au fil des mots mêlés de chagrin et de dérision, je les sens bien vibrer, les grandes bouffées de tendresse de ce père, pour ses deux « petits oiseaux » blessés, sans bien pouvoir nommer cependant, cette source mystérieuse ou elles s’alimentent.

Les petits enfants ne connaissent pas le « faire semblant » Ils aiment ou ils n’aiment pas. Ils le font savoir, sans emballage de politesse ou d’altruisme.
Quand Mathilde, à 5 ans, conçoit difficilement ses élans d’amour pour une maman trop vieille, elle nous renvoie à cette éternelle question qui bouscule : « de quoi sont donc façonnés nos amours, nos non-amours, nos désamours ? »

Nicole


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