Envie de mieux consommer ?
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A partir d’avril 2006, des producteurs, des militants syndicaux ou associatifs, des citoyens, ont décidé de réfléchir ensemble à un circuit de distribution directe qui serait une alternative au système de la grande distribution.
Ce projet, simple à première vue, a rapidement fait émerger des questions importantes :
En 2002, quelques militants associatifs de l’Arrageois suivent une formation "Comprendre pour agir", animée par Paul Masson, militant d’éducation populaire. L’enjeu de cette formation est de comprendre la société à travers les mécanismes économiques, l’organisation sociale et les représentations du monde.
Durant 3 ans, à raison d’un soir par mois, le groupe décode les forces et les contradictions induites par la vie en société, comprend les enjeux, les moyens, les choix, de son organisation et leurs conséquences.
Puis, c’est à l’occasion d’une réflexion sur les habitudes de consommation et notamment la provenance des produits que chacun met dans son assiette qu’une nouvelle piste d’action voit le jour. Se succèdent alors quelques rencontres avec des producteurs paysans locaux pour connaître ce qui fait leur métier, comment ils produisent et comment ils vivent de leur travail.
Des producteurs, des militants syndicaux ou associatifs, des citoyens, ont décidé à partir d’avril 2006 de réfléchir ensemble à un circuit de distribution directe qui serait une alternative au système de la grande distribution. Ce projet, simple à première vue, a rapidement fait émerger des questions importantes :
Comment rémunérer à sa juste valeur le travail de paysans respectueux de la qualité des produits et de l’environnement sans exclure du circuit des consommateurs aux revenus modestes ?
Comment construire un projet réellement collectif qui dépasse l’acte individuel de « vendre » ou « d’acheter » ?
Comment devenir acteur et réussir à peser pour créer de nouvelles relations économiques et sociales ?
Autant de questions débattues auxquelles des réponses collectives ont été données et qui ont permis à « Al’terre circuit » de devenir réalité depuis septembre 2006.
Pour Xavier, « ça permet un travail collectif qui n’est pas évident au départ, j’avais peur au début de l’organisation matérielle, mais ça fonctionne depuis 1 an et il y a une bonne ambiance à la permanence. Ça montre que collectivement, on peut faire des choses. Le centre social est intéressé par d’autres actions, comme la sensibilisation à l’alimentation. »
Chaque semaine, une trentaine de consommateurs propose une commande à 10 producteurs (maraîchers, éleveurs, cultivateurs, « jardiniers » bio…etc.) et récupère les produits lors d’une permanence assurée à tour de rôle par les membres du circuit.
« J’apprécie le fait de discuter avec les gens, confie Olivier assurant alors la permanence, apprendre à reconnaître les légumes et leur odeur quand tu les mets dans les caisses. Ici c’est une autre planète…
[Une personne entre] Salut ! Tu vas bien ? »
Autour de ces échanges en sont apparus d’autres, de nature différente : échanges de recettes, informations sur les enjeux de l’agriculture, la charte de l’agriculture paysanne, le travail et les pratiques des producteurs, l’environnement…etc.
« ça permet d’être dans l’action, dans un collectif, pas seulement dans le discours, affirme Émeline, et le fait de rencontrer d’autres personnes est important aussi »
Afin de ne pas limiter la commercialisation directe aux produits non transformés (légumes, fruits, pain, herbes aromatiques, confitures…etc) le groupe s’est emparé d’un projet plus ambitieux : créer un outil de transformation (viande, lait, fruits et légumes) géré collectivement. C’est une boucherie en vente au sud d’Arras qui est choisie.
Les enjeux financiers sont évidemment plus importants. Il sont assumés collectivement par 10 producteurs cautionnaires et 70 personnes qui ont pris une part sociale dans le capital de « La Maillotine ". Les statuts de l’entreprise sont celles d’une SARL à fonctionnement coopératif (1 part = 1 voix) et ont été validés par tous les acteurs du projet dans le sens d’objectifs également inscrits dans les statuts :
construire une alternative à la grande distribution,
maintenir de l’emploi en milieu rural, rémunérer justement le travail des producteurs et
montrer par l’exemple que d’autres modes de consommation (sans logique de « course au profit », respectueux de l’environnement, créateurs de lien) sont possibles.
La coopérative « La Maillotine » est crée. En plus des artisans et des producteurs salariés, un comité regroupant des représentants des consommateurs réfléchit aux orientations (choix des produits, fonctionnement, « communication »…) qui sont soumises à l’assemblée générale des souscripteurs.
Pour Hubert, éleveur et Didier, boucher « Bosser en collectif est une force, ça permet la complémentarité des compétences, la coopérative est une société qui favorise le vivre ensemble, on prend le temps de se parler, on se sent plus proches les uns des autres. »
Pour François, producteur « ça innove et ça renforce la démocratie »
Devant le camion de la boucherie, dans la queue, Dominique attend son tour « le pâté de tête est une affaire, c’est un retour aux sources de la qualité des aliments et prendre le temps de manger, c’est prendre le temps de vivre. »
Comme bien d’autres, ces deux projets (qui n’ont pas vocation à s’agrandir mais plutôt à essaimer) montrent qu’autour de la question vitale du bien manger ou du manger mieux, des citoyens ouvrent leur regard sur leur « être consomm’acteur », inventent avec des producteurs et artisans une nouvelle façon d’avoir des rapports économiques créatrice de lien social et de bien-être.
Propos recueillis par Jérôme Morillon Septembre 2007