participation, présupposés, besoins sociaux, désir, projet…..
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Suite à une journée d’intervention dans une formation pour des salariés du social de la fonction territoriale, j’ai écrit cet article
J’ai été amené à former des agents sociaux sur la participation.
Il leur était demandé de "faire participer" des usagers, des habitants, des autres quoi,….
Ces autres, s’ils devaient participer, c’est parce qu’ils étaient « sans », sans logement, sans santé, sans éducation, sans formation,…. . Leur point commun à ces « sans » qui doivent participer, c’est qu’ils sont « avec » des revenus insuffisants pour vivre. Autrement dit : Ils sont pauvres.
Ça ne vous a jamais frappé que c’est toujours aux pauvres qu’on demande de participer ?
On pourrait demander aux riches de participer, participer à la prise en charge des malades ou des personnes âgées, à la prise en charge de la pollution qu’ils produisent en consommant plus que les pauvres, mais non, les riches n’ont pas besoin de participer à quoi que ce soit.
Il y a un pré-supposé social qui veut que les pauvres soient irresponsables, et se laissent vivre, ne participent pas, et que les riches soient responsables, ne se laissent pas vivre et participent spontanément à la construction de la société.
Mais je m’égare je veux parler de ce que j’ai développé au cours de ma journée de formation.
Présupposés
Je ne leur ai pas parlé de ces pré-supposés sociaux, je savais qu’ils les connaissaient, tout le monde les connaît. Ils font partie de la culture dominante. Je leur ai d’abord parlé des mes pré-supposés sur la participation. Les voici :
La participation réelle de quelqu’un à quoi que ce soit nécessite un envie de sa part, du désir.
La participation sera proportionnelle à cette envie
Si on veut que les personnes « participent », c’est du coté de leur désir qu’il faut aller.
Il y a eu un moment de surprise. Parler de désir des pauvres, ce n’est pas dans leur champ d’intervention. Les agents du social traitent les besoins sociaux. Le désir est subjectif, le besoin lui est objectif.
Je ne leur ai pas dit que pour moi, ce n’était pas aussi simple. Je craignais des discussions longues : L’approche par le besoin est toujours très ambiguë. Qu’est ce qu’un besoin social ? Du besoin de qui parle-t-on ? celui du financeur de l’action sociale, celui du professionnel, celui de la personne concernée, celui de la société, ... ? Qui détermine le besoin ? et là dessus il fallait au moins une journée.
Je ne leur ai pas dit non plus que pour moi, le concept de besoins sociaux objectifs me paraît particulièrement discutable. J’aurais même tendance à penser que ces besoins sociaux objectifs sont souvent avancés pour masquer les rapports sociaux objectifs et justifier le travail social.
Je n’avais qu’une journée, et la question qui les intéressait était : « comment faire participer les usagers ». C’était ça qu’ils venaient chercher. Ils n’avaient pas le temps de réfléchir sur le sens de leur travail. Ils disposaient seulement d’un jour. Ils voulaient de l’opérationnalité. C’est sur cela qu’ils seraient jugés.
Alors, je leur ai raconté une histoire. Une histoire qui a duré 5 ans avec des gens, en majorité pauvres, mais pas uniquement.
Si le désir est opérationnel pour mobiliser, (Je me mobilise parce que j’ai envie de….. ), le besoin social n’est pas opérationnel pour mobiliser.
Les hommes ne se mobilisent pas sur un « besoin social », si non il y a belle lurette que plus personne ne mourrait de faim dans le monde (le besoin de manger étant un besoin social premier, objectif, reconnu à l’échelle de l’humanité).
Bien sur, le désir est lié à un besoin non satisfait. Il naît de l’espoir de voir se modifier une situation insatisfaisante en une situation nouvelle, plus satisfaisante.
Le fait que les personnes se mobilisent est le signe que nous sommes en train de répondre à un de leur besoin. Le fait qu’ils ne se mobilisent pas est peut être le signe que le besoin social avancé est le besoin de quelqu’un d’autre qu’eux mêmes.
Mais pas obligatoirement, car deux conditions sont nécessaires pour qu’une personne ou un groupe social se mobilisent.
Ils doivent percevoir sa situation comme insatisfaisante pour eux et
être capable de se représenter une autre situation plus intéressante pour eux. Ils doivent disposer d’une utopie créatrice .
C’est cette utopie qui leur permet d’aller de l’avant, de se pro-jeter (jette au devant)
Cette utopie leur donne l’énergie nécessaire à l‘action.
Cette approche théorique, permet de situer le « projet » différemment.
Le projet n’est plus du domaine de l ’avoir « avoir un projet », le projet n’est plus un produit , l’objet d’une commande extérieure, « écrivez moi votre projet » le projet n’est plus une tâche à accomplir. "mettre en œuvre le projet".
le projet, c’est du sens qu’on se donne . Le mot sens étant défini à la fois comme direction et à la fois comme attitude sensée (ça fait sens pour la personne ou le groupe social). Le projet est existentiel.
Cette approche par le désir au lieu du besoin permet à la fois de donner aux participants
un véritable outil pour mobiliser les usagers sur « leurs » envies et le sens qu’ils entendent donner à leur vie.
et faire réfléchir à tout un discours qui derrière le brouillard des mots « participation » « projet » « responsabilité » « autonomie » recouvre une recherche de conditionnement des populations les plus fragiles.
Paul MASSON 2007