Histoire populaire
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« Tant que les lapins n’auront pas d’historiens,
l’histoire sera écrite par les chasseurs »
Howard Zinn [1]
Je viens de terminer Histoire de France populaire de Laurence De Cock [2] et je me suis régalé, j’ ai lu ce livre comme une histoire qui nous parle. Je m’en suis particulièrement rendu compte dans les deux derniers chapitres qui traitent des années que j’ai vécues. Il m’a remémoré l’histoire depuis l’arrivée des machines à laver dans les familles populaires dans les années 1960, jusqu’au mouvement des Gilets Jaunes en 2018-19 qui prend tout le monde de court. J’ai relu le fil des évènements : Mai 68, la « grève bouchon » à Renault-Billancourt en 1973, celle autogestionnaire des LIP à Besançon, la lutte de femmes, pendant les années Giscard, lutte qui a conduit à la loi Veil en 1974. Je me suis rappelé l’arrivée de la Gauche au pouvoir en 1981, puis sa trahison. J’ai assisté aux attaques des acquis sociaux en 1995… puis en 2016... et aux vives réactions qu’elles ont engendrées, j’ai également été témoin de la montée de la puissance médiatique de Bolloré et de celle de l’extrême droite.… et j’ai suivi les révoltes des « banlieues » en 1983 avec la « marche pour l’égalité et contre le racisme » et la création d’SOS-Racisme, puis celles de 2005, de 2023.
Cette histoire de France populaire a attiré mon attention sur des évènements qui m’avaient échappé comme les conditions d’accueil que la France réserve aux immigrés pendant les « trente glorieuses ». Ils sont hébergés dans des cités de transit ou des foyers Sonacrota. Les familles harkis sont abritées sous des tentes militaires dans des camps comme Rivesaltes. L’autrice me parle également des révoltes dans les départements d’outre-mer, en Martinique (1959), puis en Guyane (1962), puis en Guadeloupe cinq ans plus tard et me signale le renouvellement des pratiques militantes qui se dessine avec « Nuit debout » et la création de ZAD (Zone à défendre). Attentive aux mouvements de résistance des groupes opprimés dans leur diversité, l’autrice permet de comprendre une histoire engageant des forces sociales multiples et contradictoires, comme un processus. Elle met à jour la complexité des tensions dont ne peuvent rendre compte d’excellents livres d’histoire spécialisée.
L’approche de l’histoire de Laurence De Cock, s’inscrit dans la suite d’Howard Zinn qui, dans Une histoire populaire des États-Unis [3], a voulu écrire L’histoire des oubliés, l’histoire des « sans voix » : amérindiens, esclaves noirs, immigrés, insurgés, déserteurs, syndicalistes... celle des « relation[s] sociale[s] entre les dominants et les dominés ». Une histoire bien écrite et très accessible, attentive aux mouvements de résistances populaires depuis 1492, l’arrivée de Christophe Colomb jusqu’au bombardement de l’Afganistan par George W Bush après le 11 septembre 2001. Facile à lire comme un roman, on ne regrette pas le temps pris pour la lecture de ce gros livre (800 pages), tant on en sort enrichi de connaissances et surtout de la découverte d’une approche de l’histoire. Car, en découvrant les résistances populaires des États-Unis, on apprend à lire notre histoire de France. Vraimen. Ça vaut le coup de s’y jeter.
Un film Howard Zinn : Une histoire populaire américaine a été réalisé à partir de ce livre.
Notre « roman national » et l’histoire officielle, ont été écrits par les classes dominantes. « changer le point de vue du récit », le centrer sur l’existence de celles et ceux dont à priori « on ne parle jamais » donne un nouvel éclairage sur le passé.
Histoire de France populaire, d’il y a très longtemps à nos jours est un livre pour toutes et pour tous.
Je le classe à coté de
« Une histoire populaire des États-Unis » Howard Zinn Argone
Les luttes et les rêves une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours de Michelle ZANCARINI – FOURNEL [4]
Un ouvrage plus approfondie que le livre de Laurence De Cock, mais commençant seulement en 1683 avec le Code Noir (esclavage) et à la révocation de l’édit de Nantes ( protestants)
Ne nous libérez pas on s’en charge [5] co-écrit par Biblia Pavard, Florence Rochefort, Michelle Zancarini- Fournel.
Les autrices reprennent l’histoire des féminismes de 1789 à nos jours.
Les grandes oubliées : Pourquoi l’histoire a effacé les femmes Titou Lecoq [6]
A travers une lecture de la manière dont l’histoire a rendu compte (ou oublié de rendre compte) des femmes, l’autrice nous aide à comprendre comment se construit et s’entretient le conditionnement sociétal.
J’ai dans ces ouvrages retrouver la puissance de
Histoire du mouvement ouvrier d’Édouard Dolléans [7] paru en 1948 réédité en 1967 [8] que j’avais lu et résumé dans les années 1970 et qui me nourrit encore.
L’approche historique de ces différents livres correspond à ce que j’attends de l’Histoire : connaître ce qui s’est passé hier pour comprendre aujourd’hui et préparer demain.
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[1] Howard Zinn (1922-2010) : Historien et politologue américain a enseigné pendant 24 ans la science politique à l’université de Boston.
[2] Histoire de France populaire, d’il y a très longtemps à nos jours de Laurence De Cock éd AGONE 2024 (559 pages)
[3] Une histoire populaire des États-Unis de 1492 à nos jours Howard Zinn éd. AGONE 2002
[4] Les luttes et les rêves Michelle ZANCARINI – FOURNEL éd. La Découverte 2016
[5] Ne nous libérez pas on s’en charge co-écrit par Biblia Pavard, Florence Rochefort, Michelle Zancarini- Fournel.
éd. La Découverte 2020
[6] Les grandes oubliées : Pourquoi l’histoire a effacé les femmes Titou Lecoq éd L’iconoclaste 2021
[7] Édouard Dolléans ( 1811-1954) : Historien du mouvement ouvrier. Il a également été membre du cabinet du secrétariat d’État aux loisirs et aux sports de Léo Lagrange sous le gouvernement du Front populaire en 1936, puis chef de cabinet du sous-secrétariat d’État au travail Philippe Serre en 1937.
[8] Le livre en trois tomes, n’est plus édité. On le trouve d’occasion sur Internet ou dans des bibliothèques universitaires
Histoire du mouvement ouvrier.tome I : 1830 à 1871, Librairie Armand Colin, 1948 ; réédition 1967
Histoire du mouvement ouvrier. Tome II : 1871 à 1920, Coll. "Économie, Sociétés, Civilisations", Librairie Armand Colin, 1948 ; réédition 1967
Histoire du mouvement ouvrier. Tome III : 1921 à nos jours, Coll. "Économie, Sociétés, Civilisations", Librairie Armand Colin, 1953 ; réédition 1967