Bonne année 452025

lundi 6 janvier 2025
par  Christian LEJOSNE
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Est-ce parce que la grotte de Tautavel (Pyrénées-Orientales) se trouve à moins de deux cents kilomètres de l’endroit où j’habite ou parce que le documentaire va droit au cœur et ne s’encombre pas de mots scientifiques le rendant inaccessible ? Je ne saurais dire pourquoi j’ai été touché par ce film inédit d’Emma Baus (1), diffusé dernièrement sur France 5. En 1971, Marie-Antoinette et Henry de Lumley découvrent le crâne et quelques dents de celui qui restera, durant plusieurs décennies, le plus vieux fossile humain découvert en Europe. « Arago 21 » tel est le nom qu’on lui attribue. Cela sonne comme un numéro de téléphone des années 1950 : Allo Mademoiselle, crie un gars dans le combiné de bakelite noir qu’il tient devant sa bouche, Pouvez-vous me passer Arago 21, s’il vous plaît ?

Arago est le nom de la grotte, située à Tautavel, dans laquelle ce crâne fut trouvé ; 21 parce qu’il fut le vingt-et-unième reste humain découvert dans cette grotte. Arago 21, donc, fut, imagine-t-on, un homme (faute d’avoir retrouvé son bassin, impossible de trancher) d’environ 25 ans, ayant vécu il y a 450.000 ans. Cette remontée dans le temps donne le vertige ! Pour les néophytes qui, comme moi, n’ont pas de notion de préhistoire, homo-sapiens est apparu il y a environ 55.000 ans. Arago 21 serait donc bien plus ancien. Plus ancien également que Néandertal (120.000 ans). Quand on songe que l’an 2000 c’est, pour nous, de l’histoire ancienne...

Son visage ressemble au nôtre
Arago 21 choisit cette grotte bien exposée au soleil parce que le climat de l’époque est polaire. Il chasse des animaux dont les descendants vivent aujourd’hui au pôle. Il les tue avec une lance qui ressemble comme deux gouttes d’eau au javelot qu’utilisent aujourd’hui nos athlètes : même forme, même longueur. Une anthropologue a d’ailleurs demandé l’aide d’une athlète allemande pour identifier la distance jusqu’à laquelle on pouvait atteindre une cible : une vingtaine de mètres. En s’y prenant à plusieurs, tuer ainsi de gros animaux était possible. Arago 21 et sa bande, chasseurs-cueilleurs nomades, se sont ainsi nourris et ont survécu durant des centaines de générations.

Depuis 1971, deux générations de fouilleurs se sont succédé dans la grotte de Tautavel. Avec le temps, leurs méthodes ont évolué. Grâce à l’intelligence artificielle, il est aujourd’hui possible de se représenter le visage d’Arago 21, en ajoutant sur son vieux crâne, de la peau, des cheveux, de la barbe et des moustaches. Le téléspectateur a même droit à une version féminine. On le (ou la) voit sourire. Son visage ressemble étrangement au nôtre. Des phoniatres tentent de reproduire les sons qui sortaient de sa gorge, en tenant compte de la structure de ses mâchoires. Dans cette grotte, le squelette d’un enfant atteint d’une maladie dégénérative, a été retrouvé. Bien que ne disposant pas de l’usage de ses jambes, il vécut une dizaine d’années. Des adultes se sont donc occupés de lui, l’ont nourri, l’ont porté lors des déplacements du groupe. Conclusion : Arago 21 et ses congénères étaient doués d’empathie (bon, ils mangeaient aussi d’autres humains, mais à la guerre comme à la guerre, en cas d’invasion de leur territoire, fallait qu’ils réagissent !)

Nous contemplons le même ciel
Après l’émission, je suis sorti vider la poubelle. La nuit était froide et silencieuse. J’ai levé les yeux : ciel d’un noir d’encre. Des étoiles scintillaient, me faisant de discrets clins d’œil. Rien n’a changé depuis Arago 21. Nous contemplons le même ciel. Nous avons la même peur de la mort. Cependant, que d’inventions réalisées qui me permettent, aujourd’hui, de vivre au chaud dans une maison solide et chauffée où j’ai pu regarder, confortablement installé dans un fauteuil fabriqué à l’autre bout du monde, une émission de télévision diffusée via un réseau de fibres optiques qui maille la planète entière et dont ma petite personne serait incapable de concevoir le fonctionnement. Arago 21 découpait sa viande avec un bi-face dont il était allé chercher les galets de quartz dans une rivière à proximité de la grotte de Tautavel. Ses prédécesseurs avaient eu, un jour, l’ingéniosité de casser ces galets en les cognant d’une certaine façon avec des objets, ayant une certaine densité et une certaine forme, pour en faire des sortes de couteaux à découper la viande. Depuis, les inventions se sont succédé, faisant ainsi profiter tout le savoir accumulé aux générations suivantes.

Allo l’espace ?
Arago 21 et ses congénères se débrouillaient avec ce qu’ils trouvaient. Sans chercher l’accumulation. Ils vivaient dans le contentement, une notion aujourd’hui difficile à appréhender (j’ai moi-même des difficultés avec ce mot). A partir de quel moment un truc s’est grippé dans la chaîne humaine pour qu’on en soit arrivé aujourd’hui à vouloir toujours plus d’objets autour de nous ?
Imaginons que des humains vivent encore dans 450.000 ans (si homo economicus n’a pas tout dézingué avant). Les films de science-fiction et les romans d’anticipation envisagent rarement un futur si lointain. Notre imagination est incapable de concevoir un tel scénario. Continueront-ils à se souhaiter rituellement la bonne année le 31 décembre, ou bien auront-ils inventé une autre conception du temps ? Continueront-ils à le mesurer comme nous le faisons aujourd’hui ? Allez ! Je me lance ! Ayant ressorti mon vieux téléphone, je crie à nos descendants du futur :

BONNE ANNÉE 452025 !

Christian Lejosne

(1) Documentaire disponible en replay jusqu’au 2 juillet 2025 sur France 5 :
https://www.france.tv/documentaires/documentaires-histoire/6677126-tautavel-vivre-en-europe-avant-neandertal.html


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