Pour ou contre...

mercredi 29 décembre 2021
par  Paul MASSON
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Comme vous, je suis interpellé par pétitions et appelé à me positionner face à la vaccination obligatoire... au pass sanitaire… au pass vaccinal…, souvent les 3 choses différentes étant présentées comme une seule et même réalité. On me demande de choisir un camp Pour ou Contre. Chaque organisateur cherche à augmenter le nombre de ses alliés pour en découdre avec le camp adverse. Je suis très mal à l’aise face à cette demande manichéenne qui veut séparer sans nuance le camp des bons et bonnes citoyen.es de celui des mauvais et mauvaises. Bien sûr chaque camp est persuadé d’être du bon coté. Je suis encore plus mal à l’aise concernant l’objet prioritaire du choix qui est demandé.

Aujourd’hui, l’humanité est confrontée à un réchauffement climatique lié à l’activité humaine. Il met en péril l’existence de sa propre espèce. La montée des océans, les dérèglements climatiques vont entraîner des zones inondées, des zones désertiques... et leurs corollaires : des mouvements migratoires importants sur la planète. Si l’humanité continue dans sa course folle à la surconsommation par rapport à la capacité de régénération de la terre, elle court à sa propre disparition. Cette situation est anxiogène, source d’un stress énorme. Pour sortir de cette impasse les humains doivent repenser l’organisation de monde et la redistribution des richesses [1] entre les hommes.

Un travail énorme doit mobiliser l’énergie de notre intelligence collective pour remettre en cause le modèle capitaliste consumériste installé depuis plusieurs siècles qui nous conduit à la catastrophe. Les humains doivent repenser des choix radicalement différents pour créer une société autour des valeurs écologiques, démocratiques et sociales. Ce changement nous fait peur car nous n’avons pas de modèle. Il fait naître des craintes, des angoisses. L’ampleur de ce changement indispensable nécessite de l’invention, la prise en compte du complexe, tout le contraire de la pensée binaire Pour - Contre.

Nous cherchons souvent à fuir dans le quotidien répétitif, connu, sécurisant. Mais très régulièrement, l’information d’un incendie géant, d’une canicule, d’un typhon ou d’une catastrophe naturelle, telles des décharges électriques, nous le rappelle, nous agresse. Ces manifestations de la nature réveillent nos peurs existentielles. Elles nous renvoient à notre capacité de survie et provoquent chez les humains des réactions primaires, des mobilisations fantasmées contre un ennemi potentiel qui nous voudrait du mal. Or, cet ennemi n’existe pas. Les phénomènes naturels, conséquences de l’activité humaine, n’ont d’intention ni belliqueuses, ni bienveillantes. Ils obéissent aux lois de la nature que nous connaissons.

Depuis bientôt deux ans, le coronavirus est le sujet qui mobilise l’actualité. Il occupe les unes de l’information, alimente les échanges sur les réseaux-sociaux. Il est rentré dans les conflits familiaux et contribue à cliver la société en deux camps antagonistes autour d’un choix binaire Pour ou Contre. Le choix de l’un ou l’autre camp est souvent motivé par des motivations irrationnelles liées à un besoin de confort psychologique peu conscient. Tout le débat sociétal se concentre autour de la réponse

simple pour ou contre la vaccination obligatoire... le pass sanitaire… le pass vaccinal… comme si la mobilisation autour du coronavirus était l’enjeu sociétal premier. Comme si l’avenir de la société dépendait d’une réponse simple, comme si l’enjeu de l’équilibre écologique, la redistribution des richesses était secondaire, comme si la vie démocratique pouvait se réaliser à travers un décompte des pour et des contre validé par un référendum.

Je pense aux travaux du professeur Laborit [2] sur les comportements humains, et plus particulièrement à cette expérience sur les rats dont Alain Resnais rend compte dans son film Mon oncle d’Amérique [3] J’en présente deux séquences. Les rats, enfermés dans une cage, subissent l’agression de décharges électriques peu puissantes, ils stressent. Dans la première séquence, le rat est seul dans la cage. Inhibé, il somatise (apparition d’ulcères). Dans la deuxième séquence, il y a deux rats dans la cage. Ceux-ci se mettent à se battre l’un contre l’autre. Cela ne fait pas diminuer l’intensité du courant, mais les rats ne somatisent pas. Leur énergie est mobilisée dans une lutte inefficace contre un ennemi imaginaire. Dans les deux cas, les rats victimes des décharges subies réagissent, inconscients de l’inefficacité de leur lutte. Mais ils n’agissent pas sur ce qui est la cause de leur mal-être, seul moyen de voir disparaître leur stress. Les rats n’ont pas le choix, ils ne disposent pas, comme les humains d’un néocortex développé. Dans le combat entre Pour et Contre, nous sommes comme les deux rats de Laborit, nous organisons une lutte contre un adversaire fictif sans lien avec la cause de notre douleur.

Le coronavirus existe, c’est un fait. Et bien sûr qu’il nous faut prendre toutes les mesures pour faire cesser le plus vite possible cette pandémie qui gâche la vie de chacun.e de nous, mais nous ne sommes pas « en guerre » contre le coronavirus. Phénomène naturel, il n’a aucune intention belliqueuse à notre égard. L’apparition du virus est un indicateur d’un changement lié aux nouveaux rapports entre l’homme et le règne animal. Son développement planétaire un indicateur des effets de l’organisation mondiale de la production et des échanges, il nous faut agir sur l’organisation sociale qui l’a fait naître et lui permet de se développer. Un combat binaire entre nous n’est pas plus efficace que celui les rats victimes des décharges subies qui réagissent, en se battant l’un contre l’autre. Le coronavirus ne doit pas nous faire perdre de vue les enjeux de société prioritaires.

Je ne veux pas me laisser distraire des enjeux écologistes, sociaux et démocratiques vitaux par un combat simpliste et stérile. Je ne veux pas rentrer dans le débat Pour-Contre.

Paul Masson

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[1Les 10 % les plus riches au monde consomment environ la moitié (45 %) de toute l’énergie associée au transport terrestre, et quelque 75 % de toute l’énergie liée à l’aviation. Les 1 % les plus riches sont responsables de deux fois plus d’émissions de CO2 que la moitié la plus pauvre de l’humanité. ( étude du World Inequality Lab )(oxfam)

Concernant le patrimoine mondial, 1 % de la population en détient 44 % et
56,6 % du reste de la population en détient 1,8 %

[2Henri Laborit médecin chirurgien et neurobiologiste. également spécialiste du comportement animal et du comportement humain) Il a entre autre étudié les fonctions des trois niveaux cérébraux : reptilien, limbique et celui du néocortex.

[3Mon oncle d’Amérique film réalisé par Alain Resnais et sorti en 1980.


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