L’église intérieure

vendredi 2 mars 2007
par  Christian LEJOSNE
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Ma chronique du mois dernier « Parle avec lui » a dû laisser plus d’un lecteur dubitatif. Commenter aussi longuement un rêve aussi bref a de quoi dérouter. Si je reviens aujourd’hui vous parler à nouveau de rêves, c’est parce que j’aimerai me faire comprendre, apporter un éclairage complémentaire.

L’évolution de cette chronique est d’ailleurs intimement liée à celle de mes rêves. Par deux fois, j’y ai couché le récit d’un rêve. En mai 2004, je racontais dans « Passeur de passion » un extrait de rêve, qui se déroulait dans mon enfance – une histoire de réveil qui ne fonctionnait pas. Deux ans après presque jour pour jour, je relatais ce rêve de galet en forme d’œuf coupé en deux et qu’il fallait polir. Entre ces deux dates, ma relation aux rêves s’est profondément modifiée. Avant, je considérais que la nuit était faite pour dormir. Je n’accordais aucune importance à mes rêves. Par conséquent, je ne me souvenais d’aucun. Tout juste admettais-je que je pouvais rêver. Et puis, il y a eu ce rêve d’enfance, cette saga historique qui m’a suffisamment secoué pour que je vous en parle et que je lise sur le sujet. Freud pour qui le rêve est la voie royale d’accès à l’inconscient (1). Jung qui insiste sur la nécessité d’interpréter les rêves non pas isolément, mais par groupe, par centre d’intérêt (2). Aeppli qui offre un décodage simple des principaux symboles oniriques (3). Cela fait maintenant deux ans que je tiens régulièrement un journal de mes rêves – une soixantaine recensés à ce jour – où je note méthodiquement le contenu de chacun d’eux, ainsi que les tentatives d’interprétation que j’en fais. C’est devenu pour moi une sorte de dialogue avec mon inconscient, une aide à faire le ménage dans ma vie, à savoir séparer le bon grain de l’ivraie, à dégager des priorités, à accompagner mon évolution. Tour d’horizon au cÅ“ur de mes rêves :

Certains rêves anecdotiques ont pour fonction première d’aider le dormeur à prolonger son sommeil. J’avais des épingles de couturière dans la bouche. Je devais faire attention de les enlever en bougeant la langue et en essayant de les recracher sans me faire mal. Bien sûr, certaines me piquaient quand même les gencives, le palais, la gorge… Il fallait faire attention de ne pas en avaler. Quand je me suis réveillé le matin, j’ai constaté que j’avais la gorge irritée.

D’autres rêves relatent de façon récurrente des thèmes ou des situations qui nous posent des difficultés dans la vie quotidienne. Si l’on y prend garde, on peut alors en prendre conscience et agir sur ces difficultés. Une suite de rêves peut montrer les évolutions en cours. J’ai longtemps considéré que je n’étais pas à la hauteur dans un certain nombre de situations. L’année d’avance que l’on m’avait fait prendre en sautant la dernière classe d’école maternelle m’a mis en difficulté tout au long de ma scolarité – et même après – en favorisant en moi un sentiment d’infériorité. Progressivement, en prenant conscience de cela, j’ai constaté dans mes rêves, une évolution positive. J’ai dans les vingt ans. Mes études sont terminées, mais pour entrer dans la vie active, je dois rattraper ma classe de maternelle manquée. C’est le jour de la rentrée des classes, je pars m’inscrire à l’école maternelle. Je sais que je suis en retard, mais cela ne m’inquiète pas. Une fois arrivé à l’école, je cherche l’institutrice. Pour la trouver, je dois monter par un escalier qui donne entre deux salles de classe. L’espace est très étroit. Je me faufile et finis par arriver dans un bureau où quelqu’un est installé qui me conduit à mon institutrice. Au premier regard je le trouve très belle. Elle a un joli visage. Je lui explique que je viens m’inscrire – ça ne semble pas l’étonner. Elle me mène dans le bureau du directeur pour remplir les papiers d’inscription. Elle me parle d’une autorisation parentale où il est question d’une histoire de parasol. Elle me dit que compte tenu de ma situation, elle va dédoubler sa classe et me confier la moitié des élèves. Comme je n’ai jamais fait la classe à des petits, je lui propose de n’en prendre que le quart. Arrive une autre institutrice, qui a l’air en colère. Le ton monte entr’elles. Je me charge de les séparer et de les calmer. Comme je dois récupérer l’autorisation parentale impérativement ce matin, je quitte l’école, tranquillement. Quelques mois plus tard, je fais un autre rêve sur ce thème. Je suis à l’école. Les tables sont installées dans la rue, au Rietz sur le terrain de hockey. C’est la pause. J’appelle un copain : Desmaret ! Desmaret ! Je lui annonce que je dois partir à 8 heures 30 passer un concours d’entrée à l’IUFM. Je regarde l’heure à l’horloge murale. Les deux aiguilles ont la même longueur. Je ne sais pas s’il est 11 heures 5 ou 1 heure moins 5. Je me réinstalle à ma place. Le cours recommence. Je regarde à l’envers la montre du professeur et crois lire 1 heure 5. Je me retourne et regarde la montre d’un copain installé derrière moi, j’y lis encore une heure différente. Je ne sais pas si je suis en avance ou en retard. Cela n’a pas d’importance. Je me dis que je vais m’en aller et range tranquillement mes affaires dans un sac. A signaler également dans ce rêve, les jeux de mots. L’école a lieu en plein air sur un terrain qui s’appelle « le Rietz » (prononcez riez !), sur un terrain de hockey (OK) ; mon camarade se nomme Desmarez (à l’impératif cela donne Démarrez ! ). Ces trois noms sont réels. Près de mon école quand j’étais enfant, il y avait bien un terrain appelé « Le Rietz » où s’entraînait un club de hockey sur gazon.
Parfois, certains rêves sont ce qu’Aeppli nomme des grands rêves. Le rêveur est alors mis en face d’un contenu psychique d’une grande importance le mettant en lien avec les forces élémentaires de la nature et de l’esprit décrites dans un tableau grandiose. Ce genre de rêve ne parle plus qu’un langage symbolique se rapportant à un condensé d’expérience humaine. Le rêve se sert alors d’images ancestrales. Je pense que mon rêve de galet fait partie de cette catégorie.

D’autres rêves ont le pouvoir de créer une ambiance telle, que même longtemps après notre réveil, ils nous habitent encore. On sait alors que ces rêves, nous accompagneront dans notre évolution, même s’ils gardent une part de mystère. Nous sommes quatre à visiter Jérusalem : Mon ami Laurent, ma mère et un autre gars dont je n’ai pas gardé le souvenir précis. Nous sortons d’un bâtiment immense. Je me rends compte que ce bâtiment est ouvert sur l’extérieur. Il n’a pas de porte d’entrée ou de sortie. Tout communique. Je me dis que c’est une idée de génie. Qu’il fallait y penser. Au sol, on marche sur des cailloux, gros et anguleux, comme des restes de ruines sur lesquels la ville se reconstruit. Il y a un tas de bâtiments en rénovation autour de nous. J’étais venu repérer les lieux seul quelques temps auparavant. J’avais pris des notes, fait des plans que j’ai emmené avec moi. Mais je ne m’y reconnais plus. C’est encore plus grand que ce que j’avais vu. Nous passons une porte vitrée. Derrière se dresse la ville, avec des rues animées, des gens qui marchent, des commerces, de la vie. A un moment, nous perdons ma mère sans que cela ne m’inquiète. Je me dis qu’il ne peut rien lui arriver, qu’elle nous retrouvera ou que les gens d’ici nous la ramèneront. On se retrouve dans une sorte d’église devant un reliquaire en bois. J’entame avec Laurent une explication selon laquelle le bois ancien se boursouflerait à cause de l’oxygène. Je me réveille. C’est le matin. Je me sens reposé, comme après une nuit réparatrice. Selon Yung, un rêve peut s’interpréter selon deux plans distincts. De façon objective, il s’agit de comprendre notre comportement et nos sensations par rapport aux personnages du rêve. Sur le plan subjectif, les personnages et les lieux du rêve doivent être compris comme des incarnations, des manifestations de certains traits de notre être intime. La maison représente le corps, la psyché. Selon cette interprétation, l’église du rêve c’est mon église intérieure, le lieu intime de mon recueillement. En pleine phase de reconstruction.

Christian LEJOSNE

(1) Sigmund Freud L’interprétation des rêves – Biblio du 20ème siècle 1926
(2) C.G. Yung Dialectique du moi et de l’inconscient – Gallimard 1964
(3) Ernst Aeppli Les rêves et leur interprétation – Payot 1951

Le magazine Psychologies de Juin 2006 propose un dossier « Ce que nous disent nos rêves »


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