La stratégie des petits pas

vendredi 2 mars 2007
par  Christian LEJOSNE
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Le sujet de cette chronique a germé cet été alors que nous passions un moment magique avec un couple d’amis que l’on rencontre de loin en loin, à peine une fois par an, et cela depuis plus de trente ans. A chaque rencontre, nous avons l’impression étrange que l’on s’est quitté la veille, ou tout au moins il y a quelques jours, qu’il s’agit seulement de se raconter les derniers événements pour que l’on soit à nouveau totalement en phase. Nous avons mangé le midi à l’ombre des amandiers, apprécié de bons vins rouges (ah ! ces Minervois !). Rafraîchis par la tramontane, nous avons discuté paisiblement des heures durant, sans même remarquer que le soleil avait disparu depuis un moment derrière la Montagne Noire. Chronique de l’air d’un temps d’été.

Une vielle dame de quatre vingt dix ans vit en maison de retraite. Ancienne reporter ayant parcouru le monde pendant toute sa vie professionnelle, elle attend chaque jour avec jubilation l’arrivée du courrier et des journaux du matin auxquels elle est abonnée pour continuer à y lire la marche du monde.

Un vieil homme de soixante quinze ans, remarié depuis quarante ans à une femme autoritaire et butée, vit dans l’ignorance de ce que sont devenus ses enfants, perdus de vue pour satisfaire la moralité de sa nouvelle épouse. A l’époque, il s’était fait passer pour veuf sans enfant.

Fille de fonctionnaire, fonctionnaire elle-même, à quarante cinq ans, elle se met en disponibilité de son administration, met à profit sa passion pour les langues et monte une entreprise d’apprentissage du français pour adultes étrangers. Un an après, l’entreprise tourne bien.

Une grand mère apprend à nager à soixante et onze ans pour renforcer les moments de partage avec ses petits enfants autour de la piscine de sa résidence.

Une dame qui n’a jamais quitté son village de l’Aude, loue des gîtes à des touristes venant de toute la France et d’Europe de l’Ouest. Elle explique à ses locataires qu’avec un sourire on peut tout obtenir, mais au même instant son visage, crispé par la peur, dit tout autre chose. Dans le guide d’accueil de ses gîtes, elle a écrit « Veuillez laisser à votre départ la quantité d’allumettes et de papier hygiénique que vous trouvez à votre arrivée. »

Un homme d’une quarantaine d’années, au chômage depuis deux ans, décide de préparer le concours d’entrée à l’IUFM pour devenir professeur des écoles. Chaque jour de l’année, il travaille. A l’annonce des résultats, il n’est pas trop surpris d’apprendre qu’il est reçu.

Chaque jour, presque à chaque instant, nous sommes tous confrontés au même choix : celui de nous ouvrir davantage à la vie ou celui de nous isoler du monde. Nous ouvrir à la vie, c’est être en communion avec le monde et avec l’univers, accepter l’inconnu et l’étrange, participer au grand mouvement céleste. Nous isoler du monde, c’est nous refermer sur nous-mêmes, éteindre la petite lumière qui brille en nous, refuser le contact, bloquer notre énergie.

Nous sommes tous confrontés à cette alternative un nombre incalculable de fois chaque jour de notre vie, la plupart du temps sans même nous en rendre compte. Nous y répondons de façon instinctive, parfois malgré nous, poussés inconsciemment par une force irrépressible qui répond pour nous, comme à notre place, et qui nous fait prendre tel chemin plutôt que tel autre. La plupart du temps, pour nous rassurer, nous choisissons d’emprunter un sentier bien balisé, déjà connu. L’ensemble de ces choix de chaque instant s’accumule et forme en final une trajectoire singulière, faite d’un mélange d’ouverture et de fermeture au monde qui fait de chacun de nous un être unique et en devenir.

Imaginons un instant que nous puissions changer un certain nombre de ces choix quotidiens. Qu’à tel choix de fermeture, on substitue celui d’une ouverture au monde et à l’univers : saluer le voisin plutôt que détourner la tête, écouter attentivement ce qu’un ami nous raconte au lieu de fuir dans nos pensées compulsives, s’arrêter un instant pour admirer cet arbre majestueux de force et de souplesse, aller parler à un inconnu croisé dans une rencontre professionnelle ou amicale … Imaginons encore que l’on renouvelle cette opération régulièrement chaque jour de notre vie. Inexorablement, notre trajectoire s’en trouvera sensiblement modifiée après plusieurs années. Nous ne serons plus tout à fait le même, nous n’aurons plus tout à fait le même état d’esprit.

Si l’on admet ce raisonnement, qu’est ce qui nous empêche, à partir de maintenant, d’être plus attentif à nos choix de chaque instant pour décider en conscience de saisir la main de l’ouverture au monde plutôt que l’isolement et la fermeture. Ne serait-ce que quelques fois par jour, à l’occasion de décisions anodines ? Pour commencer…

Christian LEJOSNE


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