Voici le monde

lundi 12 juin 2017
par  Paul MASSON
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Avant-propos de Chemins et mémoires

« Nous n’écrivons pas notre vie parce que nous avons une histoire,
nous avons une histoire parce que nous faisons un récit de notre vie. »

Paul RICOEUR

« Admettons dans l’absurde que tous les hommes soient morts, mais que la terre subsiste avec les arbres, les animaux, les rivières, la mer, les étoiles, est-ce que ce ne serait pas encore le monde ? » demande l’éducateur au paysan. « Non, répondit le paysan avec conviction, il manquerait quelqu’un pour dire : « voici le monde. [1] »

Après cette réflexion, l’homme se tait, comme troublé par la phrase qu’il vient de prononcer. Une émotion l’envahit, faite d’émerveillement, de respect et de craintes. Des images lui viennent, lui reviennent : une prairie verdoyante un après midi de printemps, des arbres aux différents tons de mauve un matin d’automne, une nuit claire d’été, la journée torride qui l’a précédée, la mort de son père cette année là. Émerveillement, respect, crainte, l’immensité du monde, le temps qui glisse sans laisser de prise pour le tenir, pour le retenir.
L’homme veut comprendre, prendre avec lui ce temps qui fuit, chercher un sens, une réponse à ses « pourquoi ».
L’histoire commence.
Sensation, émotion, mémoire, histoire, conscience. Retrouver, raconter.
Peut-être que s’il comprend, l’homme sera moins vulnérable aux hasards de la vie, aux aléas du temps ? Alors il met de l’ordre. Il décrit, compare les sources, distingue, recherche le contexte, définit les influences de l’environnement. Il classe au fil du temps, des jours, des années et des siècles, découvre d’autres faits, qui pourraient expliquer. Il fabrique du sens, reconstruit le passé.
Il va se raconter l’histoire non pas depuis le début, mais à partir d’aujourd’hui. Il raconte le passé en connaissant la fin. Et c’est pour éclairer aujourd’hui, c’est pour chercher à maîtriser demain que l’homme en quête de sens, enquête sur son histoire.
A travers une histoire, il veut chercher à s’inscrire dans l’histoire, peut être pour se sentir moins seul, peut être pour se sentir membre de ce mouvement de vie qui porte l’humanité depuis ses origines…et qui continuera lorsqu’il ne sera plus là….
Et l’homme écrit l’histoire, son histoire, celle qu’il a vécue…. Il veut laisser sa trace. L’homme, inscrit son présent dans l’histoire des hommes, survivre après sa mort, ne pas disparaître tout à fait….. Il remonte à sa source, interroge ses racines, reconstitue le chemin parcouru, donne sens au présent…. Prend conscience de lui, et des autres, et du monde…

En faisant ce chemin, ce parcours pour comprendre, l’homme s’humanise, il se construit une identité, une culture commune avec d’autres humains, car ce chemin il ne le fait pas seul.


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Voir également : Le sens de l’(H)histoire... ! ? une chronique de Christian Lejosne


[1Paolo Freire « Pédagogie des opprimés » Petite collection Maspéro, 1974
la suite de la citation dit : Ce paysan voulait dire précisément qu’il manquerait une conscience du monde, ce qui nécessairement, suppose le monde de la conscience »


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