Passé/présent, passé/présent ...

vendredi 2 mars 2007
par  Christian LEJOSNE
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Depuis que j’ai écrit Le fil, le récit de mon enfance et de celle de mon père, j’ai l’impression d’avoir mis en branle une machine à remonter le temps. Le passé frappe à ma porte régulièrement. J’ai reçu plusieurs récits d’enfance que des proches, des amis, des connaissances m’ont fait parvenir.

D’anciens amis renouant contact après des années de silence. L’article publié dans La Voix du nord reprenant ma chronique du mois dernier parlant d’il y a vingt cinq ans, quand nous avions monté une radio libre. Un ami, perdu de vue depuis trente ans retrouvé avec bonheur et avec qui nous échangeons depuis régulièrement. Jusqu’à un livre, édité dernièrement et que mes parents ont reçu en cadeau d’une ancienne collègue de travail à eux, racontant la vie de l’horlogerie de Saint Laurent Blangy, où ils ont travaillé quand ils étaient jeunes. Là où mes parents se sont connus. Là où tout a commencé pour moi, en quelque sorte.

Est-ce parce que je l’ai trop délaissé que mon passé me rattrape, comme on le dit de personnes célèbres parvenues au faîte de la gloire – je tairais les noms – pour lesquelles on découvre une jeunesse scabreuse : pétainiste, extrémiste, affairiste, voleur… Est-ce plus simplement que, lorsqu’on prête attention à quelque chose, nos yeux captent alors des faits porteurs de cette même coloration, qu’ils n’auraient pas perçus autrement ? Comme des hasards semblant se produire trop fréquemment pour être seulement aléatoires. Bien sûr, ce n’est pas à vingt ans que l’on peut retrouver un ami de trente ans. Que l’âge c’est l’âge et qu’à bientôt cinquante ans, le passé pèse plus lourd que l’avenir et fait pencher le fléau de la balance sur lequel j’essaie de tenir debout, en équilibre instable. Mais tout de même… Trop de ces raccourcis saisissants du temps me parviennent justement en ce moment. Des échanges avec ces personnes revenues du passé et de la lecture de leurs écrits, j’ai retenu quelques lignes de force.

« L’autre est un miroir en qui souvent on se réfléchit. On est seul, unique, irremplaçable, seul, irrémédiablement seul. C’est pour ça qu’on aime. C’est pour ça que l’autre est aimable… » notait l’ami Christian CAMERLYNCK en préambule de son disque On n’a que soi pour parler de tout (1). Titre qui conviendrait à merveille à un journal intime ou à une autobiographie. Oser retracer son chemin de vie, lui donner un sens nouveau, regarder sa vie autrement que comme la simple collection d’événements épars, chercher les lignes de forces qui échappent à une lecture superficielle. Oser regarder en face de où l’on vient, ses errements, ses erreurs. Oser dire que la crise peut libérer, même si elle fait mal, même si elle est douloureuse, peut-être même parce qu’elle est douloureuse. Chercher en soi et y rencontrer l’autre. Se montrer nu comme moyen ultime d’aller à sa rencontre. Oser remettre en cause des certitudes ancestrales ou tout au moins familiales, affirmer le doute comme une valeur suprême. « Quand tu pourras douter et croire, douter et agir » chantait Colette MAGNY. Eriger le doute en riposte suprême aux certitudes qui gouvernent le monde, qui emprisonnent les esprits, alimentent les haines, perpétuent la peur de l’autre, cet éternel inconnu.

Cet ami retrouvé après trente ans de silence a lu attentivement Le fil ainsi que toutes mes chroniques. En bon conseilleur, il m’a proposé d’autres manières d’écrire. Il réécrivait ainsi la fin de la chronique Comme un phare dans la nuit, où je parlais d’Anne Sylvestre et d’un retour à Arras, ma ville natale. Cette fin sied bien à celle d’aujourd’hui : « Gare d’Arras : disque orange du soleil levant à travers les vitres cassées de l’ancienne passerelle au-dessus des quais. Passerelle entre maison natale et centre-ville, l’ancienne alliance. Je ne suis plus arrageois, mais cette ville demeurera celle de mon enfance, avec toujours la passerelle entre deux : passé, présent ! Le train roule vers Montpellier : passé/présent, passé/présent, passé/présent ! »

Christian LEJOSNE

(1) Production Baraka – 1997


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