Donne-moi de mes nouvelles

samedi 19 novembre 2016
par  Christian LEJOSNE
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L’été dernier, j’ai reçu plusieurs courriels proposant d’aider, par le biais d’un financement participatif, à la publication d’un livre écrit par Fred Hidalgo. Ayant d’autres cha(n)ts à fouetter, je n’avais pas donné suite... jusqu’à ce que je reçoive dernièrement l’information que le livre était sorti et qu’il en restait quelques exemplaires disponibles.

Fred Hidalgo est un journaliste bien connu des amateurs de chansons, initiateur et directeur de publication des magazines Paroles et Musique (1980-1990) et Chorus (1991-2009). Je garde un tendre souvenir de Paroles et Musique, ayant eu plaisir à lire quelques-uns des dossiers consacrés aux chanteurs favoris de ma jeunesse (Léo Ferré, Barbara, Renaud...). Fred Hidalgo nous revient donc avec un pavé de 660 pages et de près d’un kilo, où le journaliste qui a côtoyé les plus grands artistes des cinquante dernières années nous parle d’eux, en ami, en confident. Le témoignage d’un fondu de la ritournelle (1) pour reprendre sa propre expression. Je me suis donc empressé d’envoyer un chèque de 30 € et j’ai eu le plaisir de recevoir La mémoire qui chante dans ma boite aux lettres, sous 48 heures. Lisant ce pavé – j’en suis à une grosse moitié –, je saute d’une chanson l’autre, y respirant l’air du temps qui passe. J’y déguste également quelques pépites qui font que ma mémoire m’enchante. Je ne résiste pas à vous en livrer quelques-unes...
Un chapitre est consacré à Jean-Pierre Leloir, photographe attitré de Paroles et Musique, puis de Chorus, qui courait du matin au soir les salles de spectacles pour y rapporter des clichés d’artistes géants ou inconnus, mettant à chaque fois la même empathie à tirer leurs portraits, « de ce qu’ils donnent d’eux-mêmes, par la voix, le texte, mais surtout avec leur visage, leur regard, leur corps. Pour lui, le son devient image » écrira son épouse Arlette, en préface de La chanson d’Olympia (2), superbe ouvrage photographique en forme de florilège de la chanson. Jean-Pierre Leloir fut rendu célèbre par le poster en noir et blanc de l’unique et mémorable rencontre entre Brel, Brassens et Ferré, dont il réalisa les clichés lors de l’interview que fit d’eux le jeune et génial journaliste François-René Cristiani. Poster qui orne le salon de mon ami Jean-Jacques, grand amateur de chansons. Poster qui trônait dans la vitrine d’une petite échoppe du centre-ville d’Arras, devant laquelle ma mère s’arrêtait systématiquement à chacun de ses passages, histoire de saluer les trois artistes ! Poster qui servit de point de départ à l’écriture d’une chronique de L’air de rien (3).

Un autre chapitre parle de Mano Solo. De la façon dont Fred Hidalgo dut s’y prendre pour réaliser un dossier dans Chorus sur ce chanteur révolté. Mano Solo refusait systématiquement les interviews, craignant les questions sur le sida ou ses relations compliquées avec son père, le dessinateur Cabu. Après avoir accepté puis refusé l’interview, Fred Hidalgo parvint enfin à convaincre le chanteur. Mano Solo, qui avait initialement négocié une interview brève, finit par se décontracter, se prêtant au jeu des questions... prolongeant l’interview qui dura plus de six heures. Il finit par aborder de lui-même les sujets qui fâchaient. Fred Hidalgo d’expliquer : « Mano tint, spontanément à parler de ses parents, d’Isabelle (qui avait participé jadis à la création de La Gueule Ouverte) et de Jean (alias Cabu), pour dire, après bien des périphrases, toute son affection à leur égard.  » Et, lisant ces mots, je me trouvais tout à coup replongé dans mon propre passé, à quinze ans du matin (4), en lecteur adolescent plus que fidèle de La Gueule Ouverte, premier journal écolo avant que l’écologie ne soit mise à toutes les sauces politiques ; lequel journal annonçait (déjà) la fin du monde... J’y lisais alors des articles d’Isabelle qui me fascinaient, sans savoir qu’elle était la femme de Cabu. Et sans savoir non plus que trente ans plus tard, je deviendrai fan de leur fils à la sortie de son premier CD La marmaille nue. Sans m’imaginer, enfin, que le fils décéderait en janvier 2010 quasiment cinq ans jour pour jour avant que son père ne soit sauvagement assassiné dans les locaux de Charlie hebdo. En 2009, lors d’une émission sur Europe 1 consacrée à la fin de la revue Chorus, parlant des manifestations de soutien, Mano Solo eut ces propos prémonitoires : « Il serait temps qu’on arrive à faire des choses pour vivre et pas pour regretter qu’on meure ».

Il est des livres qui donnent des repères de lumière dans la grisaille de nos jours, qui nous offrent des indices pour mesurer le chemin parcouru de nos vies et qui permettent de boucler des boucles. La mémoire qui chante est de ceux-là. Donne-moi de mes nouvelles (5) a écrit Leprest. La formule s’adapte très bien à ce livre, qui ravive la mémoire, ravit les neurones, et nous rappelle à nous-mêmes. Si, vous aussi, vous sentez votre mémoire s’enchanter, sachez que quelques exemplaires restent disponibles. Vous avez de bonnes chances d’y retrouver, en écho aux chanteurs et à leurs chansons, ces petites perles de vie qui brilleront sans fin dans votre mémoire réenchantée. Publié en tirage limité, les commandes s’effectuent uniquement par courriel : souscription.hidalgo@orange.fr

Christian LEJOSNE

(1) Les textes en italique sont extraits de La mémoire qui chante de Fred Hidalgo, édition Hidalgo, oct. 2016. Plus de détails sur son blog : http://sicavouschante.over-blog.com/
(2) Edition EDICA, 1984, Préface de Jean-Christophe Averty
(3) La complainte des trois troubadours L’air de rien n°55, février 2009
(4) Titre d’une chanson de Mano Solo in La marmaille nue, 1993
(5) Titre d’une chanson d’Allain Leprest, in (re)Donne-moi de mes nouvelles, 2005


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