Des personnages qui m’habitent encore

dimanche 9 juin 2013
par  Christian LEJOSNE
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Après ce long silence, L’air de rien revient pour vous parler des livres de Jonathan FRANZEN… Ne dites pas à ma mère que je fais la promotion d’un auteur américain. Elle déteste les productions américaines, qu’il s’agisse de livres, de films, de séries télé, de musiques…

Je dois reconnaître qu’elle n’a pas foncièrement tort, tant ces productions ont la plupart du temps le goût des tomates calibrées poussées sous serre à grand coup de fongicides et que l’on nous vend (très cher) en plein hiver… C’est un fait ! Mais on doit se garder de trrrrop de généralisations abusives, n’est-il pas ? Certains auteurs américains valent vraiiiiment le détour et Jonathan FRANZEN fait partie de cette catégorie.

Jonathan FRANZEN est né dans l’Illinois en 1959. Les liens qui se nouent entre générations au sein d’une même famille constituent le thème central de ses romans. Les personnages tentent de ne pas être comme leurs parents et évitent d’éduquer leurs enfants comme eux-mêmes l’ont été, avec les difficultés et les limites que cela comporte… Cela en fait un auteur en phase avec notre présent (pour Libération « Freedom est un vrai roman du XXIe siècle, l’un des tout premiers »). L’aspect le plus original de son écriture est qu’il adopte successivement le point de vue de chacun des principaux personnages, ce qui donne au roman une forme polyphonique. Aucune vérité absolue n’émane du personnage principal comme c’est le cas dans la plupart des romans. Chez FRANZEN, la vie humaine est toujours complexe.

Les corrections (écrit en 2001) relate la vie d’un vieux couple (Alfred et Enid) et de leurs trois enfants, parvenus dans la quarantaine ; chacun d’eux a adopté un comportement spécifique vis-à-vis des parents. Gary, l’aîné, a réussi professionnellement, son principal souci est de parvenir à vendre la maison de ses parents qui se dégrade et perd potentiellement de la valeur. Il vient rarement les voir parce que sa femme lui fait du chantage. Denise mène un double jeu, elle a sa propre vie dont elle ne dit rien à ses parents mais tente comme elle peut de les aider en allant les voir de temps à autre. Quant à Chip, le dernier enfant, il est la plupart du temps sans boulot, vit de plans foireux. Il semble incapable d’approcher ses parents et prend la fuite à chaque occasion qui lui est offerte

(et il y en a beaucoup). Lorsque la maladie d’Alzheimer touche Alfred, le fragile équilibre, que chaque membre de la famille avait patiemment réussi à installer, s’écroule, les obligeant tous à adopter une nouvelle position dans ce jeu de billard à cinq bandes qu’est devenu la vie de cette famille.

Freedom (écrit en 2010) pourrait être la suite des Corrections  : Walter (ou Patty) aurait pu être un des enfants de Alfred et Enid. L’histoire d’un couple (Walter et Patty) et de leurs deux enfants donc, sur laquelle se greffe l’histoire d’une amitié entre Walter et Richard… ce dernier n’ayant pas laissé indifférente Patty lorsqu’elle les connut tous les deux… Plus tard, Patty et Richard finiront par se demander s’ils ont fait les bons choix, vingt ans auparavant lorsqu’ils se sont rencontrés et qu’ils n’ont pas « conclu ». Freedom est aussi l’histoire de ma génération (c’est sans doute pour cela que j’ai tant aimé ce livre). Patty, Walter et Richard sont nés, comme l’auteur (à la fin des années cinquante). Walter (comme l’auteur) est écologiste, obsédé par la surpopulation qui menace la planète et (comme l’auteur) il rejette la société de consommation. Freedom parle du monde occidental tel qu’il est. On y roule en 4x4, on y regarde, indifférent, le monde tel qu’il va (mondialisation oblige) sur l’écran large de la télévision qui reste allumée en continu, les jeunes passent leur temps à s’envoyer des textos et on n’y lit plus guère de romans.

Jonathan FRANZEN écrit ses histoires à hauteur d’hommes et de femmes. Ses personnages sont attachants et complexes. Parfois capables de se regarder en face. Parfois de reconnaître leurs erreurs et parfois aussi de changer. Des personnages que j’ai eu du mal à lâcher, au point de ralentir la lecture des derniers chapitres. Des personnages restés présents en moi bien après que le livre ne soit définitivement refermé. Des personnages qui m’habitent encore… Jonathan FRANZEN est un auteur qui ne prend pas ses lecteurs pour des écervelés et leur laisse la libre interprétation des faits et gestes des personnages qui composent ses histoires. Ca n’est pas si fréquent… Courez-y vite !

Les corrections (694 pages) et Freedom (787 pages) sont tous deux publiés en poche chez Points-Seuil. Peut-être est-il préférable de découvrir Jonathan FRANZEN par Freedom  ; Les corrections étant un livre acidulé davantage satirique…

Christian


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