Ca m’est venu, il y a plus de vingt ans, quand je recommençais à pointer mon nez, timidement, à la fenêtre entr’ouverte du monde du travail… Une partie de moi s’étonnait sans cesse, époustouflée par tant de savoir-faire, de savoir-être, de savoir-dire, tant de compétences et de multi-présences, se diffusant dans les conversations, les réunions et les agendas martyrisés…

Agenda, ma douce honte…

Mon petit agenda, tout griffonné de vent,
Tout cousu de silence et de rivages blancs,
Cache donc l’impudeur de tes espaces nus,
Où pointent, quelle horreur, les fleurs du temps perdu !

Tu n’es pas dans le ton de tes frères du jour,
Qui n’ont plus un lopin pour un grelot d’amour,
Et plus même une nue pour l’étoile inconnue,
Et plus une oasis pour la soif imprévue…

Avec tes jours semés d’aussi frêles rosées,
Et tes vierges matins éclaboussés d’été,
Tu ne pèses pas plus qu’un calepin de rêve,
Entre ces lourds cahiers qu’on écorche sans trêve !

Mais j’aime les secrets qui dansent dans tes pages,
Sur tes friches, sans fin, naissent mes beaux voyages
Au pays invisibles où les vrais chants de vie
Ne se gravent qu’au cœur, à l’encre d’infini…

Mon petit agenda, habillé de désert,
Coiffé de rêverie, drapé de courants d’air,
Laisse-moi te confier mes musiques fragiles
Et noter dans tes plis leurs gammes malhabiles.

Prends le temps

Prends le temps par le coin du cœur
Par son côté tendre, en silence,
Goûte l’incroyable liqueur
Qui se perd entre ses cadences.

Prends le temps par ses cheveux fous
Par ses rêves, par ses frissons
Ecoute sa harpe, à genoux,
La vie est son diapason.

Prends le temps par son vieux bouquet
De joies perdues, à peine écloses,
Que la terre enfante en secret,
Prends son ivresse, au cœur des choses.

Prends le temps qui cogne à ta porte
Par son petit doigt de poète,
Ou bien c’est lui, de sa main forte
Qui prendra toute ta planète.

Nicole DUPUIS