Cher chanoine Carnois,

jeudi 13 octobre 2011
par  Nicole DUPUIS
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à partir de la consigne : écrire une lettre à quelqu’un qui a compté pour vous.

Cher chanoine Carnois,

Vous devez depuis bien des années être parti de l’autre côté du décor. Vous me sembliez déjà si vieux, quand je vous ai rencontré dans les années 60, à la Catho. de Lille. Noyé dans votre soutane, dignement installé derrière votre titre de chanoine et votre bureau massif, vous m’êtes apparu d’abord comme venu d’un autre monde, d’un autre temps.

J’avais 18 ans. J’étais perdue, à la croisée de mes chemins d’avenir. Mon père, inquiet de me voir piétiner dans l’impasse scolaire, avait pris l’initiative d’un rendez-vous avec vous. Vous étiez psychologue et ecclésiastique. Cela devait lui inspirer confiance.
Moi, j’étais dans l’expectative, à la fois inquiète, et animée par l’espoir qu’un adulte avisé allait une fois de plus me dire ce qui était bon pour moi, et m’entrouvrir la porte de mon devenir.
Je n’avais pratiquement jamais entendu parler de psychologie. Comme beaucoup d’enfants de ma génération, j’accumulais, depuis des années, des connaissances dont je ne ressentais pas le besoin, et qui ne m’éclairaient pas beaucoup sur moi-même et le sens de ma vie.
D’ailleurs tous ces savoirs s’envolaient de plus en plus joyeusement, dans le tourbillon de mes rêves, de mes folies adolescentes et de mes amours.
Je végétais dans ma deuxième première, traînant, sous des fous rires dérisoires, des notes minables, et du vague à l’âme qui n’avait pas de mots.

Vous m’avez proposé des tests.
A travers ces exercices mystérieux, vous avez d’abord « pointé » l’accident de mes 11 ans, ou j’avais vu passer pour la première fois l’ombre de ma mort. Le repérage de cet événement fut pour moi un véritable choc. Je prenais soudain conscience que mon être ne faisait qu’un tout : ce traumatisme, que je croyais avoir relégué dans un coin de ma mémoire, au même titre que tant d’autres souvenirs demeurait donc comme un important jalon de mon parcours d’enfance !
Ma vie prenait une autre dimension, par la révélation de mon inconscient.
Vous m’avez ensuite affirmé, devant mon père, que j’avais « des capacités ».
Je vous en remercie encore, vous et vos tests magiques, car minée par mes peurs de vivre, j’avais bien besoin alors de cet encouragement, de ce petit tremplin vers mes horizons d’adulte.
Je n’avais jamais entendu parler du nouveau métier d’« éducateur spécialisé ». Vous m’en avez dévoilé le cadre, les perspectives, m’assurant que j’étais « armée » pour réussir dans ce secteur. Confiante et docile, je vous crus , et mon père aussi.
C’est ainsi que je m’embarquais, dès la rentrée suivante, dans l’aventure de 3 années d’études m’entrouvrant de passionnantes contrées humaines méconnues jusqu’alors.
Dés les premières semaines, à part les travaux manuels et la danse folklorique, tous les thèmes abordés, touchaient en moi une fibre en sommeil : Philosophie, psychologie, pédagogie, sociologie, psychiatrie, ces thèmes théoriques, et tous les stages d’approche de mondes humains si divers, si différents du mien, ce labyrinthe de la richesse, de la complexité des êtres, m’interrogeaient, me nourrissaient, m’élargissaient....
J’y percevais par ailleurs des cailloux blancs qui éclairaient mes propres rivages d’existence, et leurs broussailles entravantes. Ces découvertes m’ont emmenée sur le chemin foisonnant de mille lectures qui alimentent encore ma vie, et qui m’aideront, jusqu’à la fin à mieux approcher, à mieux sentir le pays de moi-même et des autres.

Je sais bien qu’avant et après vous, d’autres rencontres m’ont aidée à défricher et à ensoleiller ma route, mais ce soir, c’est vous que j’avais envie de remercier, Cher Chanoine Carnois , vous qui m’avez montré le seuil d’une belle aventure !

Nicole


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