Imaginez un bref discours que vous voudriez que l’on prononce pendant la cérémonie de vos obsèques.

« Elle est partie comme elle était venue, dans une aube ordinaire du cœur de l’été.
Après tant d’années de perplexité, elle venait juste de commencer à comprendre pourquoi elle avait échoué sur cette terre, et quel était son rôle dans ce tourbillon de choses à faire, à savoir et à devenir.
Ce rôle, ce n’était presque rien pour finir... Juste inventer quelques envolées de vie, avec d’autres et leurs rêves... en se gardant de longues escales dans le ciel des enfants. Juste respirer, au lisières des jardins secrets, quelques bouffées d’amour perdues... et les nouer aux siennes... et savoir quelquefois en tisser comme un chant... une clarté furtive pour la vitre du quotidien ...
Et savoir tout lâcher, pour saisir une main... et savoir dériver, sans bagage, vers l’envers du décor...
Et toujours s’étonner... et puis toujours vibrer jusqu’à n’être plus rien, certains soirs de lumière, qu’un frôlement du vent dans la cime d’un hêtre...
Oui, pour finir, ce n’était que pour cette mission-là qu’elle avait accosté sur une aube ordinaire du cœur d’un été. Presque rien en somme.

Il lui a pourtant fallu toute une vie, pour enfin reconnaître, et pour apprivoiser son joli strapontin, dans le grand chapiteau d’existence. Elle commençait tout juste à s’y sentir légère, et tout juste à l’aimer....

Si seulement elle avait pu nous chuchoter dans un coin de l’oreille avant de nous quitter, qu’on avait bien le droit de n’être que cela : une trouée de lueur parmi d’autres pour s’y pencher un peu, un accord imperceptible sur la harpe du monde... Presque rien, pour finir

Si seulement elle avait pu nous glisser en passant cette permission-là, Alors, peut-être qu’il nous faudrait moins qu’une vie entière avant de reconnaître, et puis d’apprivoiser notre petite place sous le chapiteau... Peut-être ! »

Nicole