Voyage de toutes les saisons

lundi 17 août 2009
par  Nicole DUPUIS
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Aujourd’hui, 3 Août, je pense en regardant par la fenêtre les feuilles d’un bouleau miroiter dans la clarté du matin … que j’ai 63 ans.

J’aime encore plus que d’habitude sentir la profondeur du silence s’étirer infiniment sur les heures immobiles... Peut-être pour me donner l’illusion que cette fois-ci, c’est sûr, enfin, il s’arrête !
Ce monstre insaisissable, ce farceur … comment serait-ce possible que sous la beauté suspendue de l’été aux saveurs intemporelles, il continue à nous pousser sans pitié vers l’implacable nuit ? Non, cette fois-ci, c’est sûr, il s’arrête !
Sans doute pour me sentir un peu moins perdue dans ce labyrinthe des années, pour retrouver comme le petit poucet les cailloux blancs de mon chemin, je me suis plongée hier dans un cahier de poèmes que j’ai écrits il y a 30...20....10 ans ..Et je me suis aperçue que j’écrivais, en somme, toujours la même chose : mêmes questions, mêmes peurs, mêmes ivresses, mêmes petites chansons de cœur et de bonheur...
Est-ce la preuve rassurante d’une identité stable ? Ou simplement le signe que je n’ai pas laissé l’audace de la vie me mener vers d’autres versants de moi-même ? Questions – sources pour d’autres écrits peut-être...

En cette période de transhumance estivale, moi qui ai toujours résisté aux dépaysements, et plutôt privilégié le vagabondage intérieur, je redécouvre ces 3 poèmes, qui, à 3 âges différents, s’obstinent à chanter... un certain genre de voyage, sensiblement toujours le même _ … un voyage immobile.

Eté 1979 :

Mon Voyage à portée du jour

Mon voyage bat sur ma vie
Quand voguent les vagues des jours,
Sous un ciel d’opale ou de pluie,
Au gré des sanglots, des retours.

Je glisse avec lui sans bagages,
Sur les aubes claires, les nuits,
Le vent du temps pousse les pages
Et chaque page est un pays.

Fous, assoiffés de grands chemins,
Bercés par l’impossible azur
Elle frémit dans vos jardins,
La sève de votre aventure !

Elle est là, au creux du matin,
Nue, dans la fragile rosée,
La fleur que vous cherchez sans fin,
Au fil des horizons dorés

Tant de criques sont oubliées,
Au secret de rivages gris,
Tant de frissons, aux soirs d’été
Que l’habitude a engourdis...

Tant de chants d’extase ou de peine
Cinglant vos porches endormis,
Quand vos pas sourds perdent haleine
A fuir la tiédeur d’aujourd’hui.

Avez-vous déjà inventé
Des musiques pour vos folies,
Ecouté vos rêves blessés,
Sous vos départs, toujours enfouis ?

Avez-vous déjà dérivé
Sur ce visage de toujours,
Frôlant votre volet baissé ?
Dans ses yeux chante un troubadour....

Mon voyage va sans boussole,
Avec lui, je vole souvent
De cœurs sages en farandoles,
Effleurant désert ou printemps

Qu’il est broussailleux le sentier
Plongeant aux contrées du mystère,
Je n’ai pas assez de l’été
Pour quelques pas vers sa lumière.

Septembre 1989

Le pays d’à côté

Ton frère est un pays....où vas-tu, mon ami ?
Ton plus joli voyage est au coin de la rue,
Et si tu prends le temps d’apprivoiser sa nuit,
ton frère peut t’ouvrir une aurore inconnue.

Ton frère est un pays de silence et de cris,
Une terre écorchée par la charrue des jours,
Où chaque pli de vie est une poésie,
Où des ronces se mêlent aux buissons d’amour.

Ton frère est un pays qui n’a pas de frontières,
Son front a la couleur de tes incertitudes,
Il porte comme toi un trésor éphémère,
Ce cœur tissé de givre et de parfums du Sud.

Février 1996

Ballade en février

Dans les vallons perdus et nus de mes pensées,
là où s’effeuille l’arbre des réalités,
Il est des chants de neige et musiques nacrées,
Des chants auxquels je ne m’habituerai jamais....

Au creux d’un blanc récif, échardé de lumière,
Là où frémit l’étoffe emperlée de l’hiver,
Je l’ai trouvé soudain, ce semblant de ruisseau,
Ce filet d’eau furtif comme un chagrin d’oiseau.

Il menait sans façon sa légère chanson,
Distillant en rosée, toute respiration
Magicien du silence au flanc des mousses grises,
Vaguelette d’ivresse au jour flou qui s’enlise

Il se laissait conter par un vieil églantier,
drapé de dentelure et de bourgeons rouillés,
des récits farfelus de fêtes en mouvance,
De mondes renaissant sous la terre en jouvence

Et pendant que les autres buvaient des hauteurs,
l’envol vertigineux, et l’écho des blancheurs,
Je goûtais, immobile, mon plus beau voyage,
Entre source et rosier, entre extase et naufrage.


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