Balade dans la vie ordinaire

dimanche 11 mars 2007
par  Nicole DUPUIS
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Aujourd’hui, juste avant les brumes du crépuscule, je suis partie longer notre petit Crinchon de toutes les saisons.
J’étais seule, avec les arbres sombres penchés vers la rivière, un peu de lumière ocre qui s’effilochait dans les maraîchages, et la boue des feuilles mortes sous mes semelles.

J’ai pensé à mon père, à notre dernière promenade avec lui, sur ce chemin.
Il injuriait la terre collée à ses souliers, et pleurait de bonheur devant quelques branchages égarés dans le vent. Il était un peu fou, mais il était là. Et nous pouvions encore entrevoir quelques lueurs de lui, au fil des ses regards fauves et de ses mots brouillés.

Je me suis demandée, en croisant un petit garçon riant dans une flaque d’eau, quel sens cela avait eu pour mon père de vivre, puisque c’était fini….. Quel sens pour le petit garçon … quel sens pour moi aussi… En croisant de vieux amoureux, je me suis demandée ce que faisaient les autres de ces questions-là ….
Une vague bruine s’est infiltrée lentement dans les ombres naissantes du rivage, frémissant sur les accords de ma solitude, sur les remous de l’absence.

En rentrant chez moi, j’ai sillonné des ruelles et frôlé des petites maisons, qui n’avaient pas encore protégé des persiennes du soir leur tiède intimité, tout juste repliée dans le halo des lampes.
Une main furtive sous un rideau, une bouffée de pot-au-feu, trois roses artificielles à l’appui de fenêtre…. Et c’est assez pour entrouvrir les lucarnes secrètes d’une vie ou deux…. si ordinaires…. si insaisissables …si larges d’attentes et de nuits d’été, si lourdes de matins poisseux et de renoncements…. une vie ou mille…. oscillant infiniment, entre l’extase des étoiles et la tourbe collante des marécages…
Et voilà que pour quelques regards attardés en passant dans des creux de chaumières, je me suis embrasée de la chanson des autres… ceux de la rue d’à côté.
J’ai vibré à des petites joies d’anniversaire imaginées, à des baisers de tous les jours, sur des seuils de carrelage usé, à des dessins d’enfants, se gondolant peut-être, dans l’haleine d’un feu, à des silences tendres, flottant entre deux tasses de faïence bleue.
J’ai vibré à tout cela. C’était doux… c’était la vie… celle qui s’étiole trop souvent entre les cadences et la télévision…. celle qui n’a même pas besoin de savoir ou elle va… mais simplement d’être….. et de se laisser savourer, quand elle passe.

Nicole


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