Ici l’ombre !

mercredi 7 mars 2007
par  Christian LEJOSNE
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J ’aimerais reprendre la discussion de cette chronique là où elle se terminait, sur la citation de Henri GOUGAUD : « Si vous croyez à la gadoue, à la nuit épaisse, il faut croire aussi au jour limpide, car ils vont ensemble ».
Je dis « reprendre la discussion » parce que vous continuez à me lire et me répondre abondamment. Cette chronique est devenue comme une discussion que l’on a entre amis. On se voit, on échange. On se quitte. Et lorsque l’on se voit à nouveau bien longtemps plus tard, la discussion reprend comme s’il n’y avait pas eu d’interruption. La conversation reprend exactement là où elle s’était arrêtée lorsque l’on s’était quittés. Aujourd’hui, je souhaite vous faire partager l’une des réponses que j’ai reçues suite à la chronique d’octobre.

Quand j’ai lu cette phrase d’Henri GOUGAUD, il y a une vingtaine d’années, j’y pressentais surtout une vision du monde qui se partage entre guerres et paix depuis la nuit des temps ; certaines personnes incarnant d’avantage la guerre (ou la paix), que ça soit au niveau international ou dans mes relations de proximité. Aujourd’hui, j’y vois une dimension de plus : celle de mon monde intérieur, où il est aussi question d’ombre et de lumière, de guerre et de paix, d’amour et de haine… Comme un miroir réfléchissant ce qui se joue à l’extérieur. Catherine, une fidèle lectrice de « L’air du temps » semble y voir également le reflet de sa vie.

Extrait de son magnifique texte, que j’ai envie de vous faire partager : « Elle m’a bien touchée ta chronique, et ça m’a pris du temps de comprendre pourquoi. Mais je crois que c’est, entre autres raisons, parce que tu y évoques le combat éternel de la nuit épaisse contre le jour limpide, et aussi celui du pot de terre contre le pot de fer. Ca me semble bien être l’une des grandes affaires de ma vie, ça : sans nier que la nuit est épaisse, faire de la place pour toujours plus de jour limpide, de toutes ses forces … Pas par angélisme ou pour suivre la (haïssable) méthode Coué, mais juste parce c’est sans doute la meilleure façon d’occuper son temps sur cette terre que d’infatigablement lancer nos petits pots de terre contre le pot de fer de la noire fatalité. Me reste quand même cette vilaine question : est-ce que je le fais assez souvent ? assez vaillamment ? Bref, dur dur d’être un juste (surtout en une fin de dimanche pluvieux !) »

« Dur dur d’être un juste ! » est sans doute l’expression qui a traversé l’esprit de ces « Douze hommes en colère » membres d’un jury de cour d’assise chargés de juger le cas d’un jeune homme de 16 ans, accusé du meurtre de son père. Roman écrit en 1953 par Reginald ROSE, adapté au cinéma en 1957 par Sydney LUMET (avec Henri FONDA) et repris sous forme théâtrale cette année par la Compagnie LES THELEMITES, pièce que j’ai eu la chance de voir le week-end dernier : huis clos d’une heure et demi dans une salle surchauffée. Au départ, tous les jurés croient l’accusé coupable, sauf l’un d’entre eux, qui dit « je doute ». Et à partir de ce doute raisonnable, il convainc progressivement chacun des jurés jusqu’au dernier.

J e vois dans cette histoire l’exacte reproduction du combat intérieur qui se mène en nous, pour peu que nous y prêtions un peu d’attention.

L’accusé, tout d’abord. On ne sait pas grand-chose de lui, de ce qu’il a vécu. Quelques vérités assénées, vite remises en cause. Que sait-on vraiment de nous-même, de notre passé le plus fondamental ? N’est-il pas enfoui (enfui) dans notre inconscient qui, par définition, ne nous est pas accessible ?

Les membres du jury, ensuite. Douze hommes humainement, socialement très différents. Ordinaires, intolérants, pétris de préjugés, lâches, pressés d’en finir avec cette affaire. Je me reconnais dans ces hommes, dans leurs lâchetés, dans leurs combats. Ils m’habitent. Ils sont moi. Leurs débats, leurs discours, ma petite voix intérieure me tient chaque jour les mêmes.

Le temps du délibéré, enfin. A partir du moment où il y a doute, la réflexion peut s’enclencher, pour peu que l’on accepte de prêter attention à nos débats internes et que l’on accepte de prendre de son temps. Ainsi, notre flamme intérieure a-t-elle quelque chance d’éclairer nos vies d’un jour meilleur, en nous aidant à trouver l’élan vital qui est en nous et qui ne demande qu’à s’épanouir, pour peu qu’on lui laisse prendre sa place.

« Entre nous, y’a-t-il une activité plus intéressante que celle de produire de la clarté ? » (1)

Christian LEJOSNE

(1) remarquable conclusion d’un livre de Guy CORNEAU « Victime des autres, bourreau de soi-même » (édition : J’ai lu - 2003) qui a largement inspiré cette chronique. Le hasard n’arrivant pas par hasard … j’ai lu ce livre juste après avoir redécouvert la citation de H. GOUGAUD. Il traite notamment de l’ombre et de la lumière en nous.


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